Marcel Gauchet fait partie comme Pierre Rosanvallon (voir ici une analyse possible) de ces têtes d’œuf bien pensantes d’historiens des idées au sens à la fois bien pleines, et c’est tout à leur honneur lorsqu’elles critiquent quelques billevesées, mais aussi bien présomptueuses lorsqu’elles prétendent donner le là en matière de science politique alors que n’est pas Machiavel ni Hobbes qui veut…

Or qu’indiquent ces deux derniers penseurs du Politique sinon semble-t-il, que tout groupe tend à persister dans son être et met à sa tête un Prince pour se faire ; capable également d’établir des limites pour éviter que la fureur des fiertés ne dégénère en guerre civile…Montesquieu ajoutant qu’étant donné que “le Pouvoir absolu corrompt absolument” il convient d’autonomiser ses trois instances principales (ce que Locke adoube tandis que Rousseau évite d’y penser, pas plus que Marx, d’où Lénine etc…Malgré les pleurs de Rosa…) mais cela ne va pas sans peine bien sûr comme cela se voit au fil “des travaux et des jours” disait Hésiode…

Et nous y voilà…. Qu’est-ce qu’un Marcel Gauchet indique de “frais” là-dessus ? Si l’on prend son récent interview donné à Causeur, pas grand chose objectivement dit, lorsqu’il parle “d’invention de la démocratie” alors que la démocratie est un régime “naturel” (disait Jean Baechler dans démocraties) ou prend comme exemple l’échec des “printemps arabes” parce que des “conditions” n’étaient pas réunies pour l’instaurer, jamais il ne fait état d’un obstacle de taille “l’islam” en tant que régime théologico-politique et donc juridique qui empêche toute innovation en la matière, y compris sous sa forme “socialiste” ; on le voit bien également en Afrique (du Nord) ; pas plus qu’il n’analyse son impact en Europe même et son instrumentalisation par ceux qui l’utilisent comme arme de conquête culturelle et électorale…

Quant à son analyse sur la Russie, la Chine, le conflit en Ukraine, la question posée par Trump et les souverainistes entre globalisation ennemie en réalité de la mondialisation car préférant l’autoritarisme affairiste des Firmes propre à la première aux avantages comparatifs  de la seconde qui n’oppose pas qualité de vie et singularité civilisationnelle bien au contraire ; or lorsque avec la globalisation des échelles de valeur il serait préférable pour un éleveur de sacrifier son troupeau au profit de “subventions” car il y a moins cher ailleurs (idem pour la réintégration du loup versus indemnisation du berger) c’est ne rien comprendre à l‘esprit de la liberté humaine qui faisait dire à Max Weber (dans son Histoire économique)que “populo, démos, bourg, bourgeois” ce sont des synonymes pour indiquer l’émergence à nouveau de la politeia, de l’être ensemble, de la République (en grec ancien) soudés par le serment ou conjuratio afin de défendre cette “communauté de destin” qu’ensuite Ernest Renan nomma la “nation” et ce qu’Aristote désignait comme “bonheur” et que Jacques Bainville indiqua comme étant “mieux qu’une race”…

Rien de tout cela chez Gauchet esquivant également les questions sur le queerisme, cette arme morale des néoléninistes, tandis que ses interviewers éludent eux aussi les questions sur la santé et la manipulation des peurs en matière climatique, préférant tous au fond s’attarder sur l’autoritarisme poutinien, sans, d’une part, comprendre où en était la Russie en 1989 (et aussi la Chine en 1980) et sans analyser en aucune manière la façon dont certaines franges anglo-saxonnes et US ont toujours refusé l’émergence d’une Eurasie (rêvée par De Gaulle mais préférant l’alliance avec le tiers-mondisme stalino-nassériste…) d’où également le conflit actuel avec les banderistes de Kiev ces mercenaires otaniens après avoir été ceux des nazis, ce qui va bien au-delà de leur désir de se venger de l’Holodomor…

Au final et a contrario, l’on peut rétorquer que tirer sur une ambulance conduit par le dernier “panseur” reste malaisé, mais son chauffeur loin de nous amener vers un bon hôpital hésite surtout entre donner son aval pour des soins palliatifs ou alors l’euthanasie d’une Europe moribonde…