28 mars 2024

13 Juin 2016 : Nouveaux résultats du projet CLOUD (CERN).

Je reçois fréquemment des courriers de lecteurs(trices) qui s'interrogent au sujet des progrès du projet CLOUD entrepris au CERN de Genève à partir de 2010. Ce projet de grande envergure était initialement destiné à tester la théorie (ou hypothèse) de Svensmark et al. qui attribue un rôle important au rayonnement cosmique pour la constitution des nuages – un des éléments déterminants du climat – et que j'avais évoquée dans cette page, de même qu'ici et dans les billets suivants, sur la même page. Outre le test de l'hypothèse de Svensmark, ce vaste projet international était plus généralement destiné à analyser, en détail, les processus de formation des nuages via la micro-physico-chimie de la nucléation (processus de croissance des noyaux de condensation de la vapeur d'eau).
Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, on ne sait (savait) pas encore exactement comment se forment les nuages à partir de la vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère.

Nos lecteurs(trices) doivent se souvenir que, comme tous les projets du CERN de Genève, CLOUD relève d'expériences particulièrement "lourdes" qui font appel à des technologies aussi coûteuses que délicates, à la disponibilité intermittente "des temps de faisceau" des sources à haute énergie etc. D'autre part, le CERN se fait un point d'honneur de ne publier que des résultats et des observations dûment reproductibles et soigneusement vérifiées, ne serait-ce que parce que ces expériences sont très difficiles (sinon impossibles) à dupliquer dans d'autres laboratoires. Tout cela entraîne des délais de publications très importants et justifie que les rapports et articles ne paraissent qu'après mûre réflexion et après de longs intervalles de temps.

En bref, le statu-quo ante qui résultait, en 2011, des travaux de CLOUD menés au CERN, avant la publication des articles que je vais vous présenter ci-dessous était le suivant :

-Les tests de l'appareillage complet étaient satisfaisants. Il s'agit d'une vaste chambre d'expérience (de la taille d'un autobus) dans laquelle on peut reconstituer parfaitement et de manière contrôlée la complexité de la composition de l'atmosphère terrestre réelle. L'appareillage sophistiqué qui lui est associé permet de suivre en détail, tous les paramètres importants et en particulier la composition et la taille des noyaux de nucléation propres à la formation des nuages.
-Le rôle important joué par l'acide sulfurique dans les processus de nucléation a été confirmé ainsi que l'amplification induite par les rayons cosmiques comme l'avait proposé Svensmark et al.
-Cependant, les expériences et les mesures effectuées, en l'absence d'ions, ne permettaient pas d'expliquer l'abondance et la dynamique de la nucléation et des nuages observées dans les conditions réelles. Il apparaissait nécessaire de trouver une autre voie que celle des "polluants" atmosphériques tels que les composés du soufre et autres minéraux.
– Dès lors, comme je l'avais précisé à l'époque (en fin 2011),
l'équipe CLOUD avait décidé d'orienter ses recherches vers l'étude de la possibilité, pour la formation des nuages, de particules ionisées organiques purement biogéniques, naturellement présentes dans l'atmosphère et dont plusieurs expériences préliminaires (mais réalisées en atmosphère bien moins contrôlée) avaient suggéré l'importance.

Dans la suite, je vais vous présenter les derniers résultats du Projet CLOUD publiés tout récemment sous la forme de trois articles parus simultanément dans des revues à fort impact ainsi que les éditoriaux (plus compréhensibles) publiés, à ce sujet dans ces mêmes revues.

Ce billet sera complété par la présentation de quelques articles récents en rapport avec l'actualité, toujours publiés dans des revues scientifiques renommées, qui démentent, preuves à l'appui, les affirmations péremptoires et ultra-alarmistes que l'on a pu entendre ou lire, ici ou là, il y a peu, sur les feux de forêts, sur les fortes pluies et sur le Gulf Stream dont certains nous assuraient, sur la base de données tronquées, qu'il s'affaiblissait dangereusement.

1) Les derniers résultats du Projet CLOUD : Les nuages se forment aussi sous l'action d'ions biogéniques (par exemple issus des arômes émis par les forêts de résineux).

Voici les titres et les références des trois articles publiés récemment par l'équipe du Projet CLOUD :

  • "Nucléation induite par des ions de particules purement biogéniques." (dans la revue Nature)
  • "Le rôle de composés organiques à faible volatilité dans la croissance des particules dans l'atmosphère." (dans la revue Nature)
  • "Formation de nouvelles particules dans la troposphère : Une affaire de chimie et de timing." (dans la revue Science)

Ces articles ont fait l'objet d'analyses éditoriales dans les deux revues Nature et Science. Ces analyses que je vais évoquer ci-dessous, sont nettement plus compréhensibles que les articles originaux qui se révèlent, comme on s'en doute, particulièrement "techniques".

De manière générale, les médias anglophones ont largement fait écho à ces découvertes qui semblent marquer un tournant important dans la compréhension de la micro-physico-chimie conduisant à la formation des nuages et qui viennent, entre autres, confirmer l'hypothèse de Svensmark.

L'article suivant, publié le 25 Mai dans Nature, est cosigné par 70 auteurs relevant de 17 institutions internationales de pratiquement toutes les grandes nations scientifiques (sauf le France qui n'a pas souhaité faire partie du projet CLOUD. Néanmoins, un français, Ortega de l'ONERA est co-auteur de ces études).

Voici le fac-simile de la présentation de cet article accompagné d'une traduction en français de son résumé :

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Nucléation induite par les ions de particules d'origine purement biogénique.

 

Publié le 25 Mai 2016

Jasper Kirby et al (69 autres auteurs).

 

Résumé :

Les aérosols atmosphériques dont on pense qu'ils sont importants pour ce qui concerne le forçage radiatif anthropique sont cependant restés largement incompris. De manière globale, environ la moitié des noyaux de condensation qui forment les nuages résulte de la nucléation des vapeurs atmosphériques. On pensait que l'acide sulfurique était un ingrédient essentiel pour initier la plupart des formations de particules dans l'atmosphère et que les ions n'y jouaient qu'un rôle mineur. Cependant, des recherches en laboratoire ont montré la formation de particules organiques en l'absence d'addition intentionnelle d'acide sulfurique, bien qu'une contamination ne pouvait être exclue.

Dans cet article nous présentons des preuves de la formation de particules aérosols à partir de vapeurs organiques fortement oxydées en l'absence d'acide sulfurique dans une vaste chambre dans laquelle règne les conditions de l'atmosphère. Les molécules hautement oxygénées (HOMs) sont produites par ozonolyse de l'alpha-pinéne. Nous observons que les ions résultants des rayons cosmiques Galactiques augmentent la nucléation d'un à deux ordres de grandeur par rapport à la nucléation en situation neutre. [NdT : C'est l'effet anticipé autrefois par Svensmark et al.]. Nos découvertes expérimentales sont étayées par des calculs de chimie quantique des énergies de liaisons des amas des HOMs représentatifs. La nucléation induite par les ions de particules d'origine purement organique constitue une source potentielle largement répandue de particules aérosols dans l'environnement terrestre présentant une faible pollution par l'acide sulfurique.

Voici maintenant, une traduction en français d'extraits de l'analyse publiée dans la revue Science au sujet de l'article précédent. A gauche le fac-similé de l'article original et à droite une traduction en français. Les caractères engraissés sont le fait de PU.

sciencecloud

Le climat de la Terre pourrait ne pas se réchauffer aussi vite qu'on le pensait, suggèrent de nouvelles études sur les nuages.

Les nuages doivent, pour se former, se condenser autour de petites particules appelées aérosols et les aérosols résultant de la pollution anthropique – essentiellement sous la forme d'acide sulfurique – ont contribué à rendre les cieux plus nuageux. C'est pour cette raison que les scientifiques ont généralement supposé qu'autrefois, les cieux de la planète étaient plus ensoleillés qu'ils ne le sont à présent. Mais, de nos jours, trois nouvelles études montrent comment des émissions naturelles de gaz issues des arbres peuvent également constituer des semences pour les nuages. Ces résultats ne pointent pas seulement vers un passé plus nuageux mais ils indiquent aussi un futur potentiellement plus frais : Si le climat de la Terre est moins sensible à l'augmentation du dioxyde de carbone (CO2) ainsi que le suggère cette étude, les températures du futur pourraient ne pas augmenter aussi vite que cela a été prédit.

On a longtemps pensé que l'acide sulfurique était réellement l'acteur clef [de la formation des nuages] " dit un chimiste de l'atmosphère, Chris Cappa de l'Université de Californie, Davis, qui n'était pas impliqué dans cette recherche. Les études "montrent de façon plutôt convaincantes que nous n'avons pas besoin d'acide sulfurique pour permettre à de nouvelles particules de grossir".

Les scientifiques qui sont d'accord avec le fait que le CO2 et d'autres gaz réchauffent la Terre, sont en désaccord profond au sujet de la sensibilité du climat de la planète du fait de ces changements. Un des points de contentieux concerne l'effet du dioxyde de soufre, un polluant dont la concentration a augmenté presque de 7 fois durant l'époque moderne. Le dioxyde de soufre réagit avec l'oxygène et l'eau pour former de l'acide sulfurique qui contribue à la formation des particules aérosols qui servent de semences pour les gouttes d'eau. Comme les nuages réfléchissent la lumière du soleil vers l'espace, toute augmentation des nuages pourrait avoir effacé une fraction du réchauffement dû aux gaz à effet de serre.

De fait, cette nouvelle recherche suggère que le passé peut avoir été plus nuageux que les scientifiques l'imaginaient. De manière à simuler les conditions de l'atmosphère d'autrefois, un groupe de chercheurs a utilisé le projet CLOUD (Cosmics Leaving Outdoor Droplets) qui consiste en une chambre à atmosphère contrôlée au CERN, le centre européen de recherche sur les particules à Genève, en Suisse. Presque aussi grande qu'un autobus, la chambre e été remplie d'un air produit de manière synthétique qui permet de conserver des conditions chimiques contrôlées avec précision. Jasper Kirkby qui est un physicien des particules au CERN et ses collègues ont introduit un mélange d'oxydants naturels présents dans l'air ainsi qu'un hydrocarbure organique émis par des conifères. L'hydrocarbure a été rapidement oxydé. Le seul autre apport extérieur rentrant dans la chambre ont été des rayons cosmiques issus de l'espace qui ont participé à l'agglomération des particules en aérosol. L'acide sulfurique n'était pas nécessaire. De fait, même quand les chercheurs ont introduit de l'acide sulfurique dans la chambre tel qu'on pourrait en trouver dans un air non pollué, le taux de formation des aérosols n'a pas été affecté. Dans un second article du projet CLOUD publié simultanément dans Nature, les chercheurs ont montré que les mêmes particules oxydées pouvaient rapidement croître jusqu'à des tailles suffisamment importantes pour amorcer la formation des gouttes d'eau des nuages.[suite ci-dessous] …

Voici à présent, à gauche, le fac-similé du second article publié dans Science par une autre équipe de chercheurs dont plusieurs participent aussi au Projet CLOUD. Cette fois-ci, il s'agit d'une expérience sur le terrain, en haute altitude. Ses observations confirment les résultats du Projet CLOUD des deux articles publiés dans Nature.
Cette expérience est expliquée dans la suite du texte de l'éditorial de Science dont voici la suite ( à droite).

bianchi

…( Suite) A la recherche d'un environnement atmosphérique préservé, un second groupe de chercheurs a fait des expériences sur la formation des aérosols atmosphériques dans la station de recherche de haute altitude du Jungfraujoch située à 3500 m d'altitude dans les Alpes suisse, afin de confirmer que ces processus se produisent effectivement dans la nature. Durant une année complète, ils ont mesuré les variations de concentration des molécules d'acide sulfurique et des molécules organiques dans l'air. Ils ont trouvé que plus d'aérosols étaient formés quand il y avait plus de molécules organiques présentes dans l'air et – de manière cruciale – ils ont observé la formation de particules organiques en l'absence d'acide sulfurique. Ils ont utilisé exactement les mêmes instruments que ceux de CLOUD pour analyser les aérosols. "Les amas étaient constitués essentiellement de particules organiques" dit le chimiste de l'atmosphère, Federico Bianchi de l'Institut Paul Scherrer de Villigen en Suisse, lequel a dirigé l'équipe de chercheurs qui a travaillé au Jungfraujoch et dont les résultats sont publiés aujourd'hui dans Science.

 

Tous les chercheurs insistent sur le fait que l'acide sulfurique est encore un contributeur essentiel à la formation des nuages, de nos jours, sur Terre. " De nos jours, la voie basée sur les végétaux est beaucoup moins importante que c'était le cas dans la situation pré-industrielle" explique Kirkby. Mais il est cependant crucial que ces résultats signifient que les modélisateurs du climat ne peuvent supposer que le passé était beaucoup moins nuageux simplement parce qu'il y avait moins de dioxyde de soufre. Si la couverture nuageuse des temps anciens était proche de ce qu'elle est de nos jours, l'augmentation du refroidissement résultant de la pollution humaine pourrait être plus petite – ce qui signifie que la Terre ne se réchauffait pas autant qu'on le croyait en réponse aux gaz à effet de serre seuls. En d'autres termes, la Terre est moins sensible aux gaz à effet de serre qu'on le pensait auparavant et elle pourrait moins se réchauffer du fait des futures émissions de carbone, dit Urs Baltensperger du Paul Scherrer Institute, qui est auteur des trois articles. Il dit que les meilleures estimations actuelles des températures futures peuvent encore être crédibles mais que "les valeurs les plus élevées deviennent improbables".
Les chercheurs travaillent à présent sur une estimation plus précise de conséquences du nouveau processus sur les prédictions du climat futur de la Terre.

 

Nature News a également publié un article au sujet de ces publications. Voici le fac-simile de la présentation à gauche et une traduction de quelques extraits de ce texte qui est très proche de celui qui est paru dans Science et que vous avez vu ci-dessus. Il est intitulé " ".

castel

"La surprenante découverte au sujet de l'ensemencement des nuages pourrait améliorer les prédictions climatiques.
Une molécule fabriquée par les arbres peut ensemencer les nuages, ce qui suggère que les époques pré-industrielles étaient moins ensoleillées que ce que l'on pensait."

 

Ces découvertes vont à l'encontre d'une supposition qui est que l'acide sulfurique polluant est indispensable pour assurer un certain mode de formation des nuages – et elles suggèrent que les prédictions climatiques peuvent avoir sous-estimé le rôle qu'ont joué les nuages dans la constitution du climat pré-industriel.

Si les résultats de ces expériences sont avérés, les prédictions du futur changement climatique devront les prendre en compte dit Reto Knutti, un modélisateur du climat de l'Institut Fédéral de Technologie Suisse. Depuis plus de 20 ans, les nuages ont été la plus grande source des incertitudes dans la compréhension de la manière dont les émissions anthropiques affectent l'atmosphère, dit-il. […]

En plus de venir contribuer aux prédictions climatiques, ces découvertes ont une autre implication potentielle, dit un scientifique de l'atmosphère, Bjorn Stevens du Max Planck Institute pour la Météorologie de Hambourg en Allemagne. Certains scientifiques ont averti que les mesures prises pour éliminer le dioxyde de soufre des centrales à charbon pourraient supprimer l'effet bénéfique refroidissant des nuages et pousser à la hausse le réchauffement climatique, mais ceci est maintenant moins à craindre puisque les arbres peuvent, eux aussi, ensemencer les nuages . "Ce que cela signifie, c'est que nous ne devons pas redouter un air propre" dit Stevens. […]

Il est également intéressant de spéculer pour savoir si les arbres émettent des composés en partie parce que cela est bénéfique pour eux de fabriquer leur propre climat, dit Kirkby."Ceci touche en fait à l'hypothèse Gaïa" dit-il en se référant à la théorie qui dit que la vie sur Terre tend à se préserver elle-même comme s'il s'agissait d'un seul organisme. " C'est un beau mécanisme que celui qui est utilisé par les arbres pour contrôler leur environnement."

[NdT : Kirkby conclut par cette remarque semi-philosophique. Pour ma part, j'avais évoqué, en 2007, une sorte d'"effet parasol" provoqué par les DMS émis par les phyto-planctons marins de même que la remarquable pruine dont se recouvrent un certain nombre de végétaux, en été, pour limiter leurs pertes hydriques, profitant notamment des vertus de "l'effet Lotus".

Remarques :
C
omme le faisait remarquer Henrik Svensmark lui-même, il faut également savoir qu'il existe des sources de sulfures/sulfates sur la planète qui ne proviennent pas de l'action anthropique (par exemple, les phyto-planctons et les volcans).
Il n'en reste pas moins que
cette série d'article de l'équipe CLOUD, outre qu'ils confirment en grande partie l'hypothèse de Svensmark et al., constitue un grand pas en avant dans la compréhension de la micro-physico-chimie de la génération des nuages qui sont des déterminants essentiels du climat de la planète.

Les alpha-pinénes utilisées dans ces études, sont d'origine purement organique (biogénique) et ne proviennent pas de la pollution anthropique. Ils résultent des émanations générées par les forêts de conifères et ce sont d'ailleurs eux qui donnent l'odeur caractéristique de leurs sous-bois au point qu'on les a baptisées "arôme".

On peut penser que ces molécules biogéniques ne sont pas les seules molécules organiques d'origine naturelle et facilement oxydables qui contribuent à l'ensemencement des nuages. Par exemple, l'isoprène, très présent dans l'atmosphère et hautement oxydable, serait, peut-être un autre candidat potentiel pour la formation d'aérosols comme indiqué dans cet article publié dans Science (référence communiquée par un expert, lecteur de PU, que je remercie). La contribution de substances purement biogéniques organiques à la génération des nuages remet sérieusement en question le niveau de compréhension de la couverture des nuages de la planète. Et chacun sait que les questions d'ennuagement (et donc d'albedo) constituent une des incertitudes fondamentales des modèles climatiques.

Dans l'état actuel des choses, comme le font remarquer des chercheurs du domaine, il est clair que cette découverte tend à abaisser sérieusement les prévisions les plus élevées du réchauffement de la planète… telles que celles qui ont largement motivé la COP21 où on nous affirmait péremptoirement qu'en matière de science, la "messe est dite" ou "la science est comprise".
Comme on le voit, elle ne l'est pas.
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Pour terminer ce (long) billet, nous allons survoler trois sujets qui ont mobilisé récemment l'actualité environnementale ou climatique et dont les médias et les politiques ont fait leurs choux gras durant ces dernières semaines. De fait, par les temps qui courent, tout événement environnemental, météorologique ou connexe, est immédiatement inscrit, par certains, dans le contexte du "réchauffement climatique anthropique et catastrophique". Vous l'avez certainement remarqué. .
Mais comme le savent les lecteurs(trices) de PU, plutôt que de lire les coupures de presse ou écouter les déclarations des politiques, nous préférons nous référer aux sources que constituent les articles scientifiques parus dans les meilleures revues sur ces sujets. Nous allons donc revoir successivement la question des incendies (en relation avec ceux qui ont affecté l'Alberta au Canada), la question du Gulf Stream dont beaucoup se soucient et la question des fortes pluies et des inondations que certains (y compris les politiques les plus éminents) cherchent désespérément à relier au réchauffement anthropique.

2) Y a t-il plus d'incendies de forêts ?

J'ai déjà évoqué cette question, liée aux sécheresses dans les billets précédents. Les statistiques officielles montrent qu'il n'y a aucune tendance détectable dans la violence et la fréquence des incendies au moins dans les zones bien documentées comme les USA. Pour ce qui est des sécheresses, on n'observe aucune tendance depuis des décennies, à l'échelle du globe.

Un article qui traite des incendies à l'échelle du globe et de leur perception est paru le 22 Mai, sous la plume de deux spécialistes reconnus du domaine, dans une vénérable (une des plus anciennes revues au Monde !) et respectable revue anglaise. En voici, ci-dessous, un fac-similé et une traduction du résumé.
Sa référence est :

world. Phil. Trans. R. Soc. B 371: 20150345.
http://dx.doi.org/10.1098/rstb.2015.0345
Cet article est, à l'heure présente, en accès libre.

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Tendances globales des feux de forêts et de leurs impacts : Perception contre réalités dans un monde en évolution.

Stefan H. Doerr et Cristina Santin
publié le 26 Mai 2016

Résumé : Les feux de forêts constituent un processus important affectant la surface terrestre et l'atmosphère depuis plus de 350 millions d'années et les sociétés humaine ont coexisté avec les feux depuis leur apparition sur la Terre. Pourtant, beaucoup considèrent que les feux de forêts sont un problème en voie d'accélération, avec une perception largement répandue tout à la fois dans les médias et dans les articles scientifiques d'une augmentation de la fréquence des feux, de leur sévérité et des pertes associées.
Cependant, hormis quelques importantes exceptions, les preuves quantitatives disponibles ne vont pas dans le sens de la perception de ces tendances générales. Au contraire, la surface brûlée sur le globe apparaît avoir globalement décliné durant les dernières décennies et il y a de plus en plus de preuves qu'il y a moins d'incendies dans le paysage global de nos jours qu'au cours des siècles passés. Pour ce qui concerne la sévérité des incendies, il n'existe qu'un nombre limité de données disponibles. Pour l'Ouest des USA, elles indiquent peu de changement global et aussi que les surfaces brûlées par des feux intenses ont décliné en comparaison avec la période précédant l'installation des premiers européens. Les pertes humaines directement liées aux incendies et les pertes économiques ne montrent, elles non plus, aucune tendance claire durant les trois dernières décennies. Les tendances des impacts indirects tels que les problèmes de santé résultant des fumées et des ruptures sociétales, restent insuffisamment quantifiées pour qu'on puisse les prendre en compte. Les prédictions globales d'un accroissement des incendies dans un climat se réchauffant mettent en lumière le besoin pressant d'une coexistence plus soutenable avec les feux. L'évaluation des données présentées dans cet article vise à y contribuer en démontant les idées fausses et à permettre une meilleure compréhension basée sur des informations valides au sujet des réalités des incendies à l'échelle du globe.

Cet article fait partie du numéro spécial sur le thème "Les interactions entre les feux et l'humanité".

Autrement dit, nos deux experts, se basant sur des données avérées, démontent carrément l'alarmisme ambiant concernant les feux de forêts et les incendies tels que celui qui ont saturé la sphère médiatico-politique durant les récents incendies de l'Alberta qui, pourtant, n'étaient ni les premiers, ni les plus étendus du genre dans cette région du globe. Malheureusement, il est douteux que nos édiles et nos médias jettent un coup d'oeil sur le numéro spécial "les interactions entre le deux et l'humanité" publié par la vénérable revue qui a collationné ces articles.

2) Le ralentissement de l'AMOC et donc du Gulf Stream ?

Combien de fois n'avons-nous pas lu ou entendu dire dans les médias ou dans les forums qui fleurissent sur la toile que le "réchauffement climatique anthropique" avait pour conséquence le ralentissement brutal et "catastrophique" voire "l'arrêt définitif" du Gulf Stream ?

Et ceci en dépit des conclusions du dernier rapport du GIEC, l'AR5 (2013) que, visiblement, personne ne prend la peine de lire. On peut y trouver le diagnostic suivant : "Il est très improbable que l'AMOC (NdT : dont le Gulf-Stream est une branche) subira une transition rapide (Confiance élevée)."

Un article qui est paru en 2015 dans Nature Geosciences (Nature Geoscience (2016) doi:10.1038/ngeo2715), sous la plume de chercheurs du Met Office UK, fait état de progrès dans ce domaine qui contredisent les déclarations alarmistes à ce sujet.

De fait, la conclusion de l'article est que dans l'état actuel de nos connaissances, on observe que les variations de l'AMOC sont très probablement d'origine naturelle. Voici l'article de Nature Geosciences (fac similé à gauche, traduction à droite) qui en fait le constat :

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Le récent ralentissement de la circulation méridionale de renversement de l'Atlantique vu comme la récupération d'un renforcement antérieur.

 

Laura C. Jackson et al ( Met Office, UK)

Publié le 23 Mai 2016

Résumé :

La circulation méridienne de retournement de l'Atlantique (AMOC) s'est affaiblie sensiblement durant la dernière décennie. Un certain affaiblissement s'est peut-être produit durant le siècle précédent et le modèles climatiques du globe projettent un affaiblissement accentué en réponse au changement climatique anthropique. Un tel ralentissement pourrait avoir des impacts significatifs sur le climat qui règne à la surface.
Cependant, des modélisation des océans basées sur les conditions historiques ont souvent observé une augmentation du retournement jusqu'au milieu des années 1990, suivies par une décroissance.De ce fait, la situation n'est pas clarifiée pour ce qui est de savoir si l'affaiblissement de la dernière décennie résulte d'une variabilité décennale où d'un affaiblissement persistant.
Dans cet article, nous étudions le résultat du modèle le plus récent de réanalyse des océans du globe, GloSea5, qui recouvre les années 1989 à 2015 et qui s'accorde parfaitement avec les observations de l'AMOC à 26,5°N, rendant compte de la variabilité interannuelle et de la tendance décennale avec une précision jamais atteinte jusque là. La réanalyse replace les dix années d'observations – Avril 2004 à Février 2014 – dans un contexte temporel plus long et elle suggère que la décroissance observée de la circulation de retournement [NdT : l'AMOC]est cohérente avec une récupération succédant à une augmentation antérieure. Nous trouvons que les anomalies de densité qui se propagent vers le Sud en provenance de la mer du Labrador, constituent la cause la plus probable pour ces variations.
Nous en concluons que la variabilité décennale a probablement joué un rôle clef dans le déclin observé de l'AMOC durant la dernière décennie.

Autre source : Communiqué du Met Office (UK) sur reporting Climate science.com.

La figure ci-dessous extraite de l'article est destinée à montrer la remarquable cohérence entre le modèle GloSea5 et les observations selon les deux modes de descriptions des anomalies de l'AMOC. Elle montre que lors de la décennie précédent 2005, l'AMOC était sensiblement identique à la situation de la dernière décennie. Il y a eu une augmentation temporaire autour des années 2003-2007. D'où l'importance de replacer toujours une série de données au sein d'un contexte temporel de plus grande étendue.

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Légende : "Valeurs en fonction du temps de la force de l'AMOC. a,b, l'AMOC à 26,5°N (a) et AMOC-Ekman (b) pour l'analyse GloSea5 (en noir) et les observations du programme RAPID (en rouge). "

 

 

 

 

3) L'augmentation de températures a-t-elle entraîné un accroissement des précipitations extrêmes (inondations etc.) comme beaucoup l'affirment ?

Non, répond un article publié récemment dans les Geophysical Research Letters, l'une des revues phares et très sélective de la climatologie. Voici, à gauche le fac-similé de l'entête cet article accompagné d'une traduction en français, à droite.

Source GRL

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Au sujet de la dépendance des précipitations avec la température
Yu Zhou et al. (Institut Max Planck, All.)
Publié le 11 Mai 2016

 

Résumé :
Utilisant leur nouvelle méthode qui analyse la différence interannuelle (IADM) Liu et al. (2009) et Shiu et al. (2012) ont fait état d'un accroissement traumatisant d'environ 100%/K [NdT : soit un doublement pour une augmentation de 1°C !] des fortes précipitations avec le réchauffement de la température globale de 1979 à 2007. Une telle augmentation est alarmante et nous a incité à analyser la technique IADM.

Dans cette étude, nous montrons que, tout aussi bien, les calculs analytiques que les analyses numériques démontrent que l'IADM n'apporte pas d'information supplémentaire par rapport aux régressions linéaires conventionnelles et aussi qu'il peuvent donner une fausse indication de dépendance. C'est pourquoi, pour des raisons de simplicité, et dans un but de clarification, nous recommandons l'utilisation des régressions linéaires plutôt que l'IADM pour la détection de la dépendance.
De plus, nous trouvons que les fortes précipitations ont décru durant la pause du réchauffement climatique et que la dépendance des précipitations avec la température a chuté de presque 50% quand la période d'étude est prolongée de 1979 à 2014 et qu'elle peut encore continuer à chuter dans le proche avenir. Le risque d'avoir de fortes précipitations en cas de hausse de la température globale a sans doute été surestimé.

Dans le même esprit et à titre d'illustration, le journaliste scientifique du Spiegel allemand, Alex Bojanowski, démonte les déclarations ultra-alarmantes de la presse allemande au sujet des pluies et des inondations récentes en Allemagne dans cet article (repris en français ici). En réalité, les statistiques de la météo allemande (Deutsche Wetter Dienst (DWD)) ne montrent aucune tendance à la croissance des fortes pluviométries depuis 1951. Bojanowski n'hésite pas à accuser ses collègues journalistes de pratiquer ce qu'il appelle le "Klima-bluff", le "bluff climatique".bojanowski

 

 

Voici le graphique qui indique la nombre de jours ayant connu des précipitations supérieures à 30 litres/mètres carrés en Allemagne, depuis 1951 jusqu'à nos jours. Comme le souligne le DWD, aucune tendance à la hausse ou à la baisse n'est observable durant cette période. En bref, les fortes pluies ne sont ni plus fréquentes ni plus durables que lors des décennies écoulées.

 

 

 

 

5) Remarques et conclusions :

Faut-il le répéter, une fois encore ?
La science progresse inéluctablement et – c'est même le propre des découvertes – elle remet fréquemment en cause ce que l'on tenait pour acquis et qui était admis au titre du fallacieux "consensus scientifique" qui est une expression qui relève de la politique mais pas de la science. Les derniers résultats obtenus par le projet CLOUD du CERN de Genève en sont une excellente illustration.

Feu Michael Crichton (Docteur en médecine et auteur à succès d'un grand nombre de fictions telles que Jurassic Park) s'était révélé particulièrement pertinent lors d'une de ses dernières conférences. Il dit :

Soyons clair : Le travail de la science n'a strictement et en aucun cas, à voir avec le consensus. Le consensus, c'est l'affaire des politiques. Au contraire, la science exige qu'un seul chercheur ait raison ce qui signifie qu'il ou qu'elle a des résultats qui sont vérifiables par rapport au monde réel. En science, le consensus est hors de propos. Ce qui est pertinent ce sont les résultats reproductibles. Les plus grands scientifiques de l'histoire le sont précisément parce qu'ils ont rompu avec le consensus.
Il n'y a rien de tel que le consensus en science. S'il y a un consensus, ce n'est pas de la science. Si c'est de la science, il n'y a pas de consensus. Un point c'est tout."

Pour ce qui concerne les feux de forêts, les inondations et le Gulf Stream, parmi d'autres canards, restez vigilants et conservez votre esprit critique. La quasi-totalité des gens qui vous en parlent ne lisent pas la littérature scientifique ou font l'impasse sur les articles qui les dérangent.

Stay Tuned !

 

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