Quatre établissements parisiens sont poursuivis pour discrimination raciale. Des amendes de 3 000 euros ont été réquises hier contre leurs videurs. Les physionomistes des quatre lieux incriminés rejettent “toute accusation de discrimination”. “Sur quels critères jugez-vous qu’une personne peut pénétrer dans votre établissement ?” demande le président du tribunal. “La tenue vestimentaire et l’absence d’ébriété”, lâche Alhamadou Dembele, du Club 79. “Il faut que les gens aient un regard franc”, renchérit son collègue, Alain Gauthier.
A la barre, Alioune Cissé explique le déroulé de la soirée. Son arrivée avec son ami Belaïd Djaoud devant le Queen, pour participer à une soirée gay. Refus de la part du personnel. Et puis, un quart d’heure plus tard, Cyril Blet et son compagnon, tous deux d’origine “européenne”, qui rentrent sans problème.
Au même moment, Tressy Ladji et Philippe Trésor sont refoulés des trois autres établissements. “On était habillés comme les autres clients”, raconte la jeune femme noire. Les raisons invoquées : un accès réservé aux habitués ou aux invités. Mais dans la foulée, les mêmes établissements ont admis “sans problème” Sarah Anziotti et des amis, tous blancs.
“Je n’ai jamais reçu de consignes de ma direction”
Anthony Chodkowski, ancien physionomiste du Queen
Quel regard portez-vous sur cette affaire ?
Je maintiens ce que j’ai toujours dit : les faits reprochés ne sont pas tout à fait exacts, et je n’ai pas la sensation de m’être rendu coupable de décisions discriminatoires. Quand on évoque à demi-mots l’accusation de racisme, je trouve cela ridicule. Ma femme est marocaine, j’ai beaucoup d’amis d’origine étrangère. Je ne suis pas quelqu’un de raciste. Et je n’ai jamais reçu de consignes de ma direction.
Que vous inspire la démarche dite du testing, initiée par SOS Racisme ?
J’ai la sensation que ces opérations étaient minutieusement planifiées, avec l’objectif de pousser à la faute des établissements qui sont reconnus irréprochables. Le juge a même demandé aux représentants de l’association si ces derniers ne ciblaient que les boîtes où ils étaient convaincus de ne pas pouvoir entrer. Je n’ai pas entendu de réponse claire à cette question.
Pourquoi avoir abandonné votre travail depuis les faits ?
Ces accusations m’ont entamé moralement. Cela faisait plus de dix ans que j’exerçais cette profession, et je n’avais jamais eu le moindre problème. Ce métier est difficile, nous sommes souvent agressés par des clients frustrés de ne pouvoir rentrer. Alors que nous avons la responsabilité de la sécurité de plusieurs centaines de personnes. J’ai décidé de passer à autre chose.
Alioune Cissé, sympathisant de SOS Racisme, refusé à l’entrée du Queen
Comment avez-vous participé à cette soirée de testing ?
J’étais sympathisant de l’association depuis quelques temps. Un ami davantage engagé dans le combat m’a proposé d’y participer. J’ai trouvé le principe très intéressant, et je pensais que cela pouvait faire avancer les mentalités. Par le passé, je m’étais rendu en boîte de nuit, et j’avais pu entrer sans trop de problèmes. Là, les choses se sont corsées.
Que s’est-il passé ?
En début de soirée, j’étais avec un ami et nous avions testé l’entrée d’une autre boîte de nuit, à quelques mètres du Queen. Nous sommes rentrés dans l’établissement sans le moindre souci. Une fois devant le Queen, nous nous sommes installés dans la file d’attente. Alors que tout le monde entrait normalement, les videurs nous ont arrêtés pour nous dire que nous ne pouvions pas entrer. Mon ami a demandé à trois reprises pourquoi nous devions rester dehors. Aucune réponse, à part “ce ne sera pas possible”.
Qu’attendez-vous de ce procès ?
Je pense à tous les gens qui ne peuvent pas entrer en boîte, en raison de discriminations. Je crois qu’il s’agit d’un vrai combat pour que les mentalités évoluent. Si le tribunal décide de condamner ces établissements, cette décision fera date, et des milliers de personnes pourront se dire qu’elles peuvent fréquenter les mêmes endroits que n’importe qui “.
Commentaire de L’Observatoire International des libertés :
Lorsque l’on connaît le Queen, avenue des Champs Elysées, boîte autrefois essentiellement gay aujourd’hui fashion branché avec des soirées mousses techno tout azimut, il est clair qu’il ne s’agit pas d’une officine maigretiste, mais d’un endroit connu pour son mélange des genres et son souci du total look ; dans ce cas si l’on vient habillé casual, casquette de traviole pantalon de jogging c’est une faute de goût façon Queen (mais aussi Bains) donc on se fait refouler… Les personnes ci-dessus clament que non, elles étaient habillées ” comme les autres clients” ; à voir.
Qu’il y ait des abus, sans doute, mais de là à croire que l’on entre dans certaines boîtes de nuit comme l’on va au supermarché est une idiotie ; autant plutôt aller à la Locomotive, Place Pigalle, où l’entrée est facile ; il est vrai que c’est plutôt hard rock genre gothique : faudra-t-il les obliger à passer autre chose pour être moins discriminant ? On glisse peu à peu vers un égalitarisme des plus effarants…