Par Amir Taheri, journaliste (texte en anglais à la suite)
New York Post – 17 mars 2009
Traduction d’Albert Soued, pour www.nuitdorient.com
L’administration Obama a proposé de parler aux ennemis de l’Amérique, en particulier au Moyen Orient, A ce jour, cette proposition n’a pas trouvé d’acquéreur. Comme condition préalable à tout pourparler, l’Iran a demandé aux Etats-Unis de changer d’une manière substantielle leur politique étrangère. La Syrie a demandé que les Etats-Unis contribuent à arrêter toute enquête sur le meurtre de l’ex-premier ministre du Liban, Rafik Hariri et a insisté pour qu’ils reconnaissant son hégémonie sur le Liban, avant toute conversation substantielle avec Washington! Les Talibans insistent pour que toutes les troupes étrangères soient évacuées d’Afghanistan avant d’envisager de converser.
Bien! Quand vos ennemis ne veulent pas vous parler, pourquoi ne pas parler à vos amis? Et c’est précisément cela que la nouvelle administration ne veut pas faire, sous prétexte qu’elle poursuivrait alors la politique "défaillante" de l’administration Bush.
Rappelons que le président Obama n’a pas répondu aux messages de vœux venant de ses alliés du Moyen Orient, à l’occasion de son entrée à la Maison Blache. Nouri al Maliki a dû attendre 3 semaines. Hamid Karzai a attendu 40 jours. Les dirigeants de pays amis comme le Maroc, l’Egypte, la Turquie, la Jordanie, l’Arabie Saoudite ont attendu moins longtemps, mais n’ont reçu qu’un message protocolaire, sans contenu politique.
Les émissaires d’Obama dans la région ont bien montré qu’ils étaient plus soucieux de rameuter leurs ennemis que de courtiser leurs amis.
Richard Holbrooke, envoyé spécial en Afghanistan et au Pakistan a parlé de son désir de s’adresser aux Talibans, mais a cité des problèmes d’agenda pour ne pas rencontrer ses véritables amis parmi l’élite afghane ou pakistanaise. A Kaboul, il était clair que la nouvelle administration voyait la présidence de Karzai comme un héritage de Bush. Au Pakistan, elle a envoyé des signaux que Washington n’était pas prête à soutenir le gouvernement du président Asif Ali Zardari.
La secrétaire d’Etat Hillary Clinton a daigné seulement serrer la main du 1er ministre Libanais Fouad Siniora, juste pour une photo, lors d’une conférence sur Gaza en Egypte. Pourtant la coalition de gouvernement Siniora doit faire face en juin à des élections cruciales et aurait mérité d’avoir le soutien américain. En lieu et place, elle a été snobée.
Préoccupés par l’abandon des Etats-Unis, ces alliés commencent à paniquer.
La semaine dernière, l’Arabie Saoudite a reçu un sommet de 4 dirigeants arabes qui ont acclamé le retour de la Syrie au bercail de la politique régionale. En échange, la Syrie a obtenu un "droit de regard" sur le Liban, qu’elle utilisera pour peser sur les résultats des prochaines élections (1).
En Afghanistan, les opposants à Karzai ont lancé une campagne pour l’empêcher de postuler pour un nouveau mandat. Les cercles pro-iraniens jouent sur le thème de "l’Iran protecteur fiable" d’un nouveau régime à Kaboul, au moment même où les Américains cherchent à restaurer le régime des Talibans.
En Irak, on est préoccupé par le retrait des troupes américaines et ceci a divisé les Kurdes, les amis les plus fidèles de Washington. Massoud Barzani essaie de former une alliance avec la Turquie, pour équilibrer la puissance de l’Iran dans l’ère post-américaine. L’autre chef kurde Jalal Talabani, lui, prétend qu’une fois les Américains dehors, seul l’Iran peut protéger le nouvel Irak, contre les forces sunnites arabes qui chercheraient à se venger. Même le 1er ministre Nouri Al Maliki, toujours méfiant des intentions de Téhéran, s’est senti obligé de calmer les mollahs, en offrant à leur protégé Moqtada al Sadr, un partage du pouvoir.
Au Pakistan, convaincus que les Etats-Unis ne le soutiennent plus, les adversaires de Zardari ont lancé une série de manifestations nationalistes dans tout le pays. L’ex-premier ministre Nawaz Sharif, dont le gouvernement avait laissé les Talibans conquérir le pouvoir, essaie de revenir en traitant Zardari de marionnette américaine installée par Bush et abandonnée par Obama.
Entre temps, la Turquie craint qu’Obama ne signe un accord important avec les mollahs, reconnaissant l’Iran comme la puissance régionale. Ce qui laisserait la Turquie dans l’ombre – incapable de rejoindre l’UE et marginalisée au Moyen Orient. Ces craintes ont incité son président Abdallah Gul à trouver une excuse pour visiter Téhéran – pour la 1ère fois un président turc rencontre le suprême guide Ali Khamenei.
Grâce à cette perception que les Etats-Unis prennent le large et que la République islamique a le vent en poupe, ces dernières semaines, Téhéran a reçu une douzaine de présidents et de premiers ministres d’Asie centrale, du Caucase et du Moyen Orient. Dans tous les cas, l’idée était de conclure un accord avec l’Iran avant qu’Obama ne le fasse avec ce pays.
La nouvelle politique des Etats-Unis, ou plutôt l’absence de politique peut avoir un effet dévastateur sur les forces démocratiques, à travers une région qui verra des élections cruciales en Afghanistan, en Iran, en Irak, au Liban, dans les Territoires autonomes, en Egypte et en Algérie. Les ennemis de l’Amérique dans la région pourraient réaliser un coup stratégique avant qu’Obama n’ait pu établir une politique crédible au Moyen Orient.
Note de www.nuitdorient.com
(1) Les forces du 14 mars risquent d’être mises en minorité, laissant la voie libre à une coalition où le Hezbollah dominerait. Ce scénario possible rappelle les élections à Gaza et la venue au pouvoir du Hamas. Un coup d’état du Hezbollah au Liban, chassant toutes les forces démocratiques, pourrait suivre un tel scénario, d’autant plus que le Hezbollah n’a pas été désarmé et constitue la principale force militaire du pays.
On peut se demander s’il s’agit d’une politique américaine de "repli sur soi" ou le laissez-faire machiavélique d’un président "cheval de Troie".
PRODUCING PANIC IN AMERICA’S ALLIES
By AMIR TAHERI, New York Post, 17 March, 2009
THE Obama administration has offered to talk to America’s enemies across the globe, especially in the Middle East. So far, though, the offer has few takers. Iran has called for "substantial changes in US foreign policy" as a precondition for talks. Syria wants the US to shut down the UN investigation into the murder of Lebanese ex-Premier Rafiq Hariri and insists on reviving its domination of Lebanon before "substantive talks" with Washington. The Taliban insists on "the complete withdrawal of foreign troops" from Afghanistan before it will consider talks.
Well, if your enemies won’t talk to you, why not talk to your friends? But this is precisely what the new administration doesn’t want to do – for that would look like continuing the Bush administration’s "failed policies."
Notably, President Obama did not respond to greeting messages from America’s Mideast allies until weeks after he’d entered the White House. The Iraqi leadership had to wait three weeks. Afghan President Hamid Karzai waited 40 days. Leaders of traditional allies such as Morocco, Egypt, Turkey, Jordan and Saudi Arabia didn’t wait as long – but got only protocol calls devoid of political content.
Obama’s emissaries to the region have made it clear that the new administration is keener on cultivating its foes than courting its friends.
Richard Holbrooke, the special envoy to Afghanistan and Pakistan, spoke of his desire to engage the Taliban but cited "scheduling problems" in not meeting America’s friends among Afghan and Pakistani elites. In Kabul, he made it all but clear that the new administration sees the Karzai presidency as part of the "Bush legacy." In Pakistan, he sent signals that Washington is not keen on supporting President Asif Ali Zardari’s government.
Secretary of State Hillary Clinton granted Lebanon’s Prime Minister Fouad Siniora only a photo-op handshake during a conference on Gaza held in Egypt. Siniora, whose coalition government faces a crucial election in June, had hoped for a "convincing show of American support." Instead, he was cold-shouldered.
Concern that the US may be abandoning its allies has led to a number of panic moves. Last week, Saudi Arabia hosted a four-nation summit of Arab leaders that welcomed Syria back as a major player in regional politics. In exchange, the Syrians obtained a "right of observation" in Lebanon that they’ll use to influence the outcome of that country’s coming election.
In Afghanistan, Karzai’s opponents have launched a campaign to prevent him from seeking a new term. And pro-Iran circles are harping on the theme of Iran as "the reliable protector" of the new regime in Kabul at a time the Americans seem to want to restore the Taliban to power.
In Iraq, concern about US retreat has divided the Kurds, Washington’s strongest allies in that country. Massoud Barzani is trying to forge an alliance with Turkey to counterbalance Iran in the post-American era. Jalal Talabani (the other chief Kurdish leader) argues that, once the Americans leave, only Iran could protect the new Iraq against revenge-seeking Sunni Arab powers. Even Prime Minister Nouri al-Maliki, always suspicious of Tehran’s intentions in Iraq, feels obliged to placate the mullahs by offering their protégé, Muqtada al-Sadr, a share of power.
In Pakistan, Zardari’s opponents, convinced that the US no longer backs him, have launched a series of nationwide protests. Ex-Prime Minister Nawaz Sharif, under whose rule the Taliban conquered most of Afghanistan, is trying to stage a comeback by branding Zardari as "an American tool installed by Bush and abandoned by Obama."
Turkey, meanwhile, fears that Obama may strike a "grand bargain" with the mullahs, acknowledging Iran as the region’s principal power. That would leave Turkey in the lurch – unable to join the European Union and marginalized in the Mideast. Those fears prompted Turkey’s President Abdullah Gül to find an excuse to visit Tehran – where he became the first Turkish president ever to meet Iranian "Supreme Guide" Ali Khamenei.
Thanks to the perception that the United States is in retreat while the Islamic Republic is rising, Tehran in recent weeks has played host to a dozen presidents and prime ministers from Central Asia, the Caucasus and the Middle East. In every case, the idea is to make a deal with the Iranians before Obama makes a deal with them.
America’s new policy, or lack of it, could have a devastating impact on the chances of democratic forces throughout the region as it faces crucial elections in Afghanistan, Iran, Iraq, Lebanon, the Palestinian territories, Egypt and Algeria. America’s enemies in the region may achieve a strategic coup before Obama has developed a credible Middle East policy.
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