Pourquoi, dans un film de 2005, intégrer, à deux reprises et sans aucun point de vue critique, la fameuse image du 30 septembre 2000 de l’enfant palestinien mourant dans les bras de son père au carrefour de Netzarim ?
Nous savons les polémiques que cette scène a suscitées (cf sur le présent site l’article de Menahem Macina du 21/12/2005 « Affaire Al-Dura: la bonne et la mauvaise presse selon AcMedias »), l’absence totale de rigueur professionnelle qui l’entoure (Charles Enderlin, le correspondant de France 2 en Israël, n’est pas sur place. Il récupère les images tournées par son cameraman palestinien, Talal Abou Rama. Il les monte. Et le soir, sur l’antenne de France 2, il les commente de la façon suivante : «Ici Djamal et son père. Ils sont la cible des tirs venus de la position israélienne. L’enfant fait des signes mais… une nouvelle rafale… l’enfant est mort et son père est blessé.») et les doutes qui continuent d’exister sur la réalité-même de cette scène.
Rappelons-nous par exemple ce que disaient Denis Jeambar et Daniel Leconte dans un article du 25 janvier 2005 au Figaro :
« …le visionnage des rushes ne nous apprend rien de plus sur «l’agonie de l’enfant». Ou plutôt, si ! Cette fameuse «agonie», qu’Enderlin affirme avoir coupée au montage, n’existe pas.
En revanche, le visionnage permet de relever, avec l’approbation de nos confrères de France 2 présents autour de la table que, dans les minutes qui précèdent la fusillade, les Palestiniens semblent avoir organisé une mise en scène. Ils «jouent» à la guerre avec les Israéliens et simulent, dans la plupart des cas, des blessures imaginaires. Le visionnage intégral des rushes démontre aussi qu’au moment où Charles Enderlin donne le gamin pour mort, tué par les Israéliens, c’est-à-dire le soir même sur le journal de France 2, rien ne lui permet d’affirmer qu’il est vraiment mort et encore moins qu’il a été tué par des soldats israéliens. Tout, bien au contraire, à commencer par l’emplacement des uns et des autres sur le terrain, incriminerait plutôt une ou des balles palestiniennes.
Face à cette dernière remarque, nos confrères de France 2 reconnaissent que rien effectivement ne permet de dire que l’enfant a été touché par des tirs israéliens. Leurs experts ont même démontré, nous assurent-ils, que l’enfant a été touché par des éclats ( ?) ou par des balles qui auraient ricoché sur la chaussée, des balles qui en tout état de cause ne visaient ni l’enfant ni son père. «De toute façon, conclut l’un d’entre eux, on ne pourra jamais savoir d’où venaient les tirs.»
Autrement dit, en attribuant la mort de l’enfant à des tirs israéliens le soir même sur France 2, Charles Enderlin a extrapolé à partir des rushes et de la version des événements fournie par son cameraman. Pourquoi ? Pourquoi a-t-il privilégié cette interprétation ? Dans quel but ? Peu importe, le fait est là et suffit en soi à revisiter toute cette affaire de fond en comble pour trier le vrai du faux. »
Nous pouvons nous demander dans quel but le réalisateur de « Mary » introduit (deux fois) la scène de « Mohammed Al Dura » dans son film. Elle paraît comme un rappel douloureux – qui se fait dans la tête du journaliste Ted Younger – du drame que vivent les palestiniens. De là à voir dans le petit « Mohammed Al Dura », et plus généralement dans les palestiniens, une nouvelle figure christique, il n’y a qu’un pas que tout, dans le film, nous pousse à faire.
Ted Younger anime une émission sur la foi. Dans l’une d’elles, nous voyons son invité poser la question suivante: pour quelles raisons les Juifs auraient-ils tué Jésus alors que ce dernier aurait pu, par exemple, être leur roi ? Outre la question qui paraît relever d’un autre âge (!), le discours de l’invité est particulièrement gênant car le film ne laisse guère de place au spectateur pour prendre de la distance et joue habilement sur la mixité raciale (l’animateur est noir, l’invité blanc) pour lui donner bonne conscience malgré le sujet tendancieux. Après cette question laissée ouverte par l’invité sur les motivations, ou plutôt l’absence de motivation, qu’auraient eu les Juifs à tuer Jésus, un premier extrait de « la mort de Mohammed Al Dura » est lancé. Nous obtenons, semble-t-il, la réponse un peu plus tard dans le film : Jésus aurait été offert en sacrifice à Dieu…
Par ailleurs, le film comporte par exemple une scène où l’on voit un groupe de Noirs se révolter alors que passent dans la rue des Juifs orthodoxes. Cela donne l’impression d’un affrontement communautaire. Mais c’est l’animateur noir qui en sort blessé. Il justifie ensuite plus ou moins le comportement des « révoltés ».
Dans « Mary », il est également question d’atteinte à la liberté d’expression. Nous souhaitons évidemment savoir qui porte ainsi atteinte à la Constitution américaine. Nous comprenons aisément que ce sont essentiellement des Juifs. Nous assistons à une manifestation dans laquelle des Juifs s’en prennent à « l’antisémitisme » d’un film pour vouloir en interdire la projection tandis que des manifestants noirs le défendent. Une alerte à la bombe oblige à évacuer tous les spectateurs de la salle dans laquelle le film allait être projeté (Bien sûr nous pensons très fort à « La passion du Christ » de Mel Gibson et l’allusion finit par être faite directement.)
Voilà quelques éléments qui paraissent déjà tellement énormes que je doute presque de les avoir vus et qui me semblent en tous cas le signe d’une résurgence inquiétante et perverse de l’antisémitisme. A côté de cela, le film manque de souffle et tombe dans une certaine naïveté.
Je terminerai en vous racontant une petite anecdote dont m’a fait part récemment une amie et dont certains d’entre vous ont sûrement été les témoins. Le lien entre cette anecdote et le film « Mary » est la comédienne Juliette Binoche et peut-être la capacité d’un acteur à se défaire de son rôle une fois un film terminé (sujet abordé par « Mary » à travers précisément le rôle de Juliette Binoche).Thierry Ardisson avait reçu dans une de ses émissions « Tout le monde en parle » Juliette Binoche et Alain Finkielkraut. Alain Finkielkraut parle de Jérusalem (ville très présente dans « Mary »), Juliette Binoche se met à pleurer (elle pleure aussi beaucoup dans « Mary »). Lors d’une émission suivante, la comédienne est à nouveau invitée, Thierry Ardisson plaisante sur le fait qu’elle ne risque pas de pleurer cette fois-ci puisqu’Alain Finkielkraut, dont la personne fait actuellement l’objet de polémiques, n’est pas invité ce soir-là. Juliette Binoche répond alors que, ce qui l’a dérangée la dernière fois, c’est qu’Alain Finkielkraut ne la regarde pas dans les yeux.
On peut considérer cette remarque comme assez naïve voire touchante, on peut aussi penser qu’elle médit d’un absent en insinuant qu’il n’est pas franc…