30 mars 2023

La nouvelle propagande antijuive

Depuis quelques années la critique d’Israël a pris la forme d'une disqualification généralisée du sionisme. Ses enjeux sont désormais, explicitement, non pas la politique des gouvernements israéliens, l’occupation des territoires conquis en 1967 aux pays arabes, ou les implantations juives dans ces territoires, mais la légitimité de l’idée d’un État juif et, donc, l’existence même d'Israël.
Pourtant, la coexistence de deux États – un État juif et un État arabe – selon la résolution de l’ONU du 29 novembre 1947 est non seulement la base juridique de toutes les tentatives pour mettre fin au conflit israélo-arabe, mais aussi la seule base – historiquement, politiquement et moralement – de toute solution juste et durable à ce conflit.
La délégitimation et la diabolisation d’Israël, partagées par de larges couches de l’opinion occidentale, notamment dans l’intelligentsia, apparaissent de fait comme autant d’expressions d’un aveuglement politique.
C’est également, et plus encore, un scandale moral, qui se manifeste particulièrement à travers les différentes manipulations médiatiques qui ont marqué les dernières années, mais aussi à travers le détournement par lequel, paradoxalement, la Shoah est devenue une arme idéologique contre Israël et le sionisme.
Le livre de Pierre-André Taguieff, La nouvelle propagande antijuive (Paris, PUF, 2010) analyse et critique l'idéologie perverse de la diabolisation de la victime (le Juif) et son retournement imaginaire en bourreau (l'Israélien).
Le "Juif nazi" est inventé et diffusé par la nouvelle propagande antijuive. C'est cette invention d’un nouvel antisémitisme qu'il s'agit d'analyser et de dénoncer.
Yves Charles Zarka, directeur de la collection « Intervention philosophique »

À distance du « politiquement correct », Pierre-André Taguieff entreprend de montrer pour la première fois dans ce livre que la haine des Juifs est entrée dans un nouveau régime.
Israël et le « sionisme » sont en effet devenus les cibles d’une guerre médiatique qui vise à criminaliser et à diaboliser l’ennemi, l’antisionisme radical ayant désormais pour objectif proclamé la destruction de l’État juif.
Pour comprendre comment s’est accomplie la mondialisation de cette nouvelle configuration antijuive, Pierre-André Taguieff dissèque au scalpel le nouveau discours de propagande des ennemis déclarés d’Israël tel qu’il s’est développé au cours des années 2000.
Il souligne l’importance de la reformulation « antiraciste » des thèmes judéophobes, qui a dominé les conférences internationales de Durban (2001) et de Genève (2009) et explique comment elle a structuré la nouvelle vision antijuive, qui consiste à « nazifier » les « sionistes » en tant qu’« agresseurs » et à « judaïser » corrélativement les Palestiniens en tant que « victimes », cet amalgame polémique permettant d’accuser les « sionistes » de « génocide.
Ce discours de propagande est resitué dans son contexte international, marqué par la menace islamiste autant que par les divisions et les hésitations du camp occidental/démocratique.
Pour Pierre-André Taguieff, les thèmes d’accusation indéfiniment sollicités peuvent se réduire à trois : le « racisme », le meurtre d’enfants palestiniens (l’opération al-Dura) et la manipulation de la politique mondiale à travers la direction occulte de la politique extérieure des États-Unis (de l’action du « lobby juif » à l’organisation d’un « complot américano-sioniste »).
Analysant les divers matériaux symboliques exploités par la nouvelle propagande antijuive – images ou discours -, Pierre-André Taguieff fournit ici au lecteur les moyens de comprendre comment et pourquoi la haine des Juifs, plus d’un demi-siècle après la Shoah, a pu renaître, notamment sous les habits neufs de l’« antiracisme », et, grâce aux nouveaux médias, se diffuser internationalement en recueillant l’assentiment d’individus souvent convaincus d’être étrangers à tout sentiment antijuif.
S’il peut exister, selon la formule consacrée, un antisémitisme sans Juifs, il existe aussi une judéophobie sans judéophobes déclarés.
Tel est le paradoxe mis en évidence dans cet essai : la judéophobie mondialisée des années 2000 est une judéophobie sans judéophobes.

Pierre-André Taguieff
© Primo, 28-03-2010

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