1 juin 2023

Accepter l’inacceptable

La Maison Blanche est le défenseur le plus entêté de l’idée que la menace nucléaire iranienne n’est pas aussi sérieuse que l’absence d’un Etat Palestinien. C'est-à-dire que le président Barack Obama lui-même est l’avocat le plus tonitruant d’une politique des USA au Moyen-Orient qui ignore tous les dangers auxquels les USA sont confrontés dans la région et pointe les fusils américains sur le seul pays qui ne menace aucun intérêt des USA.
 
A la fin de la semaine passée, les mollahs ont fait un grand pas sur le chemin de la puissance nucléaire en chargeant le réacteur nucléaire de Bushehr.
Réponse d’Israël ? Le ministère de affaires étrangères a publié une déclaration proclamant cette avancée « inacceptable ».
Alors pourquoi avons-nous accepté l’inacceptable ?
Si l’on interroge les officiels de haut rang au sujet du réacteur de Bushehr et sur le programme nucléaire de l’Iran plus généralement, leur réponse commence invariablement par : « eh bien, les Américains… »
Loin d’accepter qu’Israël a un problème qu’il doit traiter, les responsables d’Israël continuent d’argumenter que les USA vont découvrir – avant qu’il ne soit trop tard – qu’ils doivent agir pour empêcher l’Iran de devenir une puissance nucléaire de façon à assurer leurs propres intérêts.
De même pour Bushehr en particulier, des officiels israéliens expliquent que ce n’est pas le principal problème. Le principal problème provient des sites d’enrichissement de l’uranium. Et de toute manière, expliquent-ils, avec le caractère civil du réacteur de Bushehr, le fait est qu’il est sous un régime de complète surveillance par l’Agence Internationale de Energie Atomique (AIEA). ; et du fait que les Russes sont supposés réacheminer toutes les barres de combustible consommées en Russie, empêchant ainsi l’Iran de les utiliser pour produire du plutonium de qualité militaire, Israël n’avait pas la légitimité pour frapper Bushehr et l’empêcher d’être chargé en combustible en fin de semaine.
Avant d’explorer la question de savoir si les dirigeants d’Israël avaient raison de décider de décliner une attaque du réacteur de Bushehr pour empêcher son chargement en combustible, il faut envisager la position « des Américains » sur l’Iran quand celui-ci se proclame puissance nucléaire et teste de nouveaux systèmes d’armes avancés quotidiennement.    
La réponse à cette question a été largement apportée dans un article de la revue ‘National Interest’ par l’ancien membre du conseil de Sécurité Nationale de l’administration Clinton, Bruce Riedel. Intitulé « Si Israël attaque », Riedel, qui aurait des liens étroits avec le gouvernement actuel des USA, affirme qu’une attaque militaire des USA contre l’Iran sera un désastre pour les USA. Selon lui, les USA ont plus intérêt à autoriser l’Iran à devenir une puissance nucléaire que de soutenir une attaque israélienne contre l’Iran.
Il écrit : « Les Etats-Unis doivent adresser clairement un message de feu rouge à Israël. Il n’y a pas d’autre option que de décourager activement une attaque israélienne ».
Riedel explique que pour amener Israël à accepter l’inacceptable spectre d’une mollahcratie dotée du nucléaire, les USA payer pour. Riedel recommande d’assouplir les dirigeants d’Israël avec des bombardiers furtifs F-22, des sous-marins nucléaires, un traité de défense mutuelle et peut-être même le statut de membre de l’OTAN.
La raison de Riedel de considérer inacceptable une frappe israélienne est sa conviction qu’une telle frappe sera suivie de représailles iraniennes contre les forces et les intérêts des USA dans le Golfe Persique et en Afghanistan. Alors qu’on ne peut pas douter qu’il ait raison, Riedel ignore volontairement l’autre certitude : l’Iran doté du nucléaire menacerait bien plus les mêmes armées et intérêts.
Riedel voudrait nous faire croire que le régime iranien sera un acteur nucléaire rationnel. C’est le régime qui a mis hors la loi la musique, qui lapide des femmes, et déploie des vassaux terroristes à travers la région et le monde. C’est le même régime dont le « guide suprême » vient de publier une fatwa proclamant qu’il a la même stature religieuse que Mahomet.
Riedel fonde son opinion sur les actes de l’Iran quand il était faible.
Depuis que l’Iran n’a pas fait le procès de ses otages américains en 1980, on pourrait lui faire confiance avec des armes nucléaires en 2010. Puisque l’Iran n’a pas fait la guerre aux USA en 1988 pendant la crise pétrolière Koweït, on peut faire confiance à Mahmoud Ahmadinejad sur les bombes nucléaires en 2010. et ainsi de suite.
De plus, Riedel ignore ce que sait tout lecteur d’un journal quotidien : le programme d’armes nucléaires de l’Iran a déclenché une course régionale aux armes nucléaires. Riedel imagine un Moyen-orient nucléaire bipolaire, avec Israël d’un côté et l’Iran de l’autre. Il ne parvient à remarquer que dès aujourd’hui, l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis (UAE), le Koweït, la Jordanie, l’Egypte, la Syrie le Liban, le Soudan et la Turquie ont tous initié des programmes nucléaires. Et si l’Iran est autorisé à se doter du nucléaire, ces pays se fraieront un chemin vers quantité de bombes nucléaires.
Certains argumentent qu’un Moyen-Orient nucléaire multipolaire adhèrera aux règles de destruction mutuelle assurée (MAD). Si l’on assume que cela est vrai, le fait demeure que la réponse iranienne violente à une frappe israélienne contre ses installations nucléaires apparaîtra comme une échauffourée mineure comparée aux guerres conventionnelles qui éclateront un Moyen-Orient dans lequel chacun disposera de la bombe.
En vérité, il n’y a aucune raison de croire qu’un Moyen-Orient dans lequel chacun dispose d’armes nucléaires serait un lieu d’adhésion au MAD. Un sondage récent à l’université Zogby du Maryland sur l’opinion publique arabe, réalisé pour le ‘Brooking Institute’ au sein des pays arabes alliés des USA – Egypte, Jordanie, Liban, Maroc, Arabie saoudite et les UAE – montre que le monde arabe est peuplé de jihadistes.
Comme Herb London du ‘Hudson Institute’ l’a souligné dans une analyse du sondage, près de 70 % des sondés déclaraient que le dirigeant qu’ils admirent le plus est soit un jihadiste ou un soutien du jihad. Les dirigeants les plus populaires étaient le Premier ministre turc Recep Erdogan, le président vénézuélien Hugo Chavez, Ahmadinejad, le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah, le président syrien Bashar Assad et le chef d’al Qaïda Oussama Ben Laden
Ainsi, si des révolutions populaires renversent l’un des régimes despotiques instables occupant aujourd’hui les sièges du pouvoir dans le monde arabe, ils seront certainement remplacés par des jihadistes. De plus, comme une bombe nucléaire iranienne autoriserait les forces les plus radicales et déstabilisantes dans la société panarabe, la probabilité qu’un despote recoure à une frappe nucléaire contre une cible occidentale ou israélienne de façon à se maintenir au pouvoir augmenterait pareillement.
Tout cela ne devrait pas échapper à un penseur stratégique expérimenté comme Riedel. Pourtant, à l’évidence, ça se produit. De plus, comme ancien de l’administration Clinton, les positions de Riedel en général sont plus réalistes que celles du gouvernement Obama. Comme le reconnaissent les officiels israéliens, le gouvernement Obama admet seulement maintenant que son engagement politique envers l’Iran a échoué.
De plus, à travers le gouvernement des USA, La Maison Blanche est le défenseur le plus entêté de l’idée que la menace nucléaire iranienne n’est pas aussi sérieuse que l’absence d’un Etat Palestinien. C'est-à-dire que le président Barack Obama lui-même est l’avocat le plus tonitruant d’une politique des USA aux Moyen-Orient qui ignore tous les dangers auxquels les USA sont confrontés dans la région et pointe les fusils américains sur le seul pays qui ne menace aucun intérêt des USA.
Et désormais, face à cet état de choses, les dirigeants israéliens continuent d’argumenter aujourd’hui que publier un communiqué du ministère des affaires étrangères déclarant « inacceptable » la charge en combustible du réacteur nucléaire de Bushehr, et entamer des négociations sans valeur avec les dirigeants du Fatah est une politique rationnelle et suffisante.
Qu’y a-t-il derrière cette irresponsabilité du gouvernement ?
Il y a deux explications possibles au comportement du gouvernement. Le Premier ministre Benyamin Netanyahou peut être motivé par des préoccupations soit opérationnelles, soit politiques.
Au niveau opérationnel, la question guidant les dirigeants d’Israël est : « quel est le moment optimal de l’attaque ? » Le fait que les sources gouvernementales disent qu’il serait diplomatiquement suicidaire d’attaquer avant que Bushehr ne soit devenu opérationnel la semaine dernière montre clairement que des considérations non militaires sont le facteur déterminant de la direction d’Israël. Pourtant ce que l’article de Riedel et les positions claires du gouvernement Obama démontrent, c’est qu’il n’y a aucune chance que des conditions non militaires soient jamais optimales pour Israël. De plus, comme l’attaque d’Israël en 1981 contre le réacteur nucléaire de l’Irak le montre, Israël peut atteindre ses objectifs stratégiques y compris sans le soutien des USA pour ses opérations.
D’un point de vue militaire, il est clair qu’il aurait mieux valu frapper les installations nucléaires de l’Iran avant que les Russes ne chargent le combustible à Bushehr. Tout scénario d’attaque à compter de maintenant devra soit accepter la perspective de fuites nucléaires, soit accepter de laisser Bushehr intact. En fait, d’un point de vue militaire, plus Israël attend pour attaquer l’Iran, plus il sera difficile d’accomplir la mission.
Aussi, à moins que les dirigeants d’Israël n’aient pas conscience des réalités stratégiques, la seule explication plausible à la décision de Netanyahou d’attendre tranquillement alors que les options militaires d’Israël ont été drastiquement réduites en fin de semaine, c’est qu’il était motivé par des considérations de politique intérieure.
Et que peuvent bien être ces considérations politiques ? Clairement, il ne se souciait pas d’un manque de soutien public. Les données de sondages constantes, sur plusieurs années, montrent que le public soutient massivement l’utilisation de la force pour empêcher l’Iran de devenir une puissance nucléaire.
Ensuite, il y a la question de la coalition de Netanyahou.  Ce ne peut pas être parce qu’il croit pouvoir élargir une coalition pour soutenir son attaque sur l’Iran dont il dispose déjà, en faisant entrer le Parti Kadima dans son gouvernement. La dirigeante de Kadima, Tzipi Livni n’est pas un grand partisan d’une attaque israélienne sur l’Iran. Livni considère qu’être appréciée d’Obama est plus important qu’empêcher l’Iran de devenir un Etat nucléaire.
La perspective d’une portion du parti Kadima dirigée par l’ancien ministre de la défense Shaul Mofaz de rejoindre la coalition est aussi soulevée périodiquement. Pourtant, jusqu’à présent l’expérience montre qu’il y a peu de chance que cela advienne. Mofaz apparemment n’aime pas Netanyahou plus qu’il ne déteste la notion de se confronter à un Iran doté de l’arme nucléaire (et à l’Arabie saoudite et l’Egypte dotées d’armes nucléaires, etc…, etc.…).
Il ne reste qu’une seule éventualité : Netanyahou doit avoir choisi de ne rien faire pendant que Bushehr était chargé à cause de l’opposition dans son gouvernement. Il existe une seule personne dans la coalition de Netanyahou qui a à la fois la démence stratégique et la puissance politique pour obliger Netanyahou à accepter l’inacceptable. C’est le ministre de la défense Ehud Barak.
L’ineptie stratégique de Barak est légendaire. Elle a été tout récemment démontrée avec l’échec de la prise par le commando naval du bateau terroriste turco-Hamas Mavi Marmara. C’était l’idée de Barak d’armer des commandos de la Marine avec des pistolets inoffensifs, et garantir ainsi qu’ils seraient attaqués et obligés d’utiliser une force létale pour sauver leur vie.
La capacité de Barak à dicter la stratégie du gouvernement a été tout récemment démontrée à travers son abus de pouvoir obscène dans la nomination du prochain chef d’Etat Major Général de Tsahal. Sans considérer si le prétendu document « Galant » qui a mis en place un plan pour que le Major Général Galant désigné, remplace le chef d’Etat Major Général sur le départ, le Général en chef Gabi Ashkenazi, a été fabriqué ou authentique, il est clair que ses clauses opérationnelles ont toutes été exécutées par le propre staff de Barak au cours des mois écoulés. De même, bien que le document soit encore en cours d’enquête policière, Barak a réussi à forcer Netanyahou à accepter son feu vert à la nomination de Galant.
Même si Galant est le meilleur candidat pour le poste, il est clair que Barak n’a pas fait de faveur au Général en le nommant de cette manière. Il a certainement humilié et discrédité l’Etat Major Général.
Barak est le politicien favori du gouvernement Obama. Pendant que Netanyahou est méprisé, Barak est fêté à Washington presque chaque mois. Et cela a du sens. Comme homme directement en charge de la défense d’Israël avec son emprise sur le gouvernement, lui seul dispose des moyens nécessaires pour permettre à tout le Moyen-Orient d’évoluer vers le nucléaire.
Comment cela est-il acceptable ?

 
http://www.jewishworldreview.com/0810/glick082710.php3

Adaptation française de Sentinelle 5770 ©

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


%d blogueurs aiment cette page :