L'occasion pour ce professeur de philosophie sur qui pèse une fatwa – de fait, même si l'on peut jouer sur les mots comme l'ont fait d'aucuns – depuis la mi-septembre, de s'expliquer posément même si certaines des rumeurs ou autres accusations que rappelait Jean-Pierre Elkabbach, étaient odieuses.
Cette affaire, relativement peu médiatisée, compte tenu de son importance en matière de liberté d'expression dans la France du XXIème siècle, donc de notre sort à tous, et du fait qu'un homme « coupable de rien, » se soit retrouvé, avec famille et amis, menacé de mort puis « enterré vivant pendant un mois et demie, sans voir la lumière, » avant d'être contraint à vivre caché, à déménager « 7 ou 8 fois » au gré des amitiés et à ne plus pouvoir exercer sa profession d'enseignant. Sans compter qu'il a été mis sous protection policière depuis lors et le reste, étant « une cible jusqu'à la fin de ses jours, » selon lui et, excusez du peu, selon la DST. « La menace ne disparaîtra jamais tout à fait, » précise-t-il. Ajoutant : « le risque d'être assassiné est réel et fort, » risque venant « d'un jihadiste ou d'un écervelé » voulant marquer un point.
Le philosophe reste donc « en fuite dans son propre pays, » dit-il. Même si un jihadiste, arrêté dernièrement au Maroc, aurait avoué être l'auteur de menaces sur la vie de Robert Redeker, proférées sur Internet, notamment sur un site réputé proche d'Al-Quaida, dans la foulée d'une Tribune libre publiée par le philosophe dans les colonnes du Figaro. Il y critiquait l'Islam et, ironiquement, les menaces de mort à son encontre confirmaient la violence que l'on peut y trouver, même si tout croyant musulman ne saurait bien évidemment être taxé d'extrémisme. Ce qu'il n'a jamais dit, d'ailleurs.
Cette arrestation ne garantit pourtant pas la sécurité de Robert Redeker, tant s'en faut. Au contraire, dit-il, elle « relance les peurs. Car il ne s'agit pas du tout d'un petit rigolo, d'un petit révolté écervelé, mais de jihadistes organisés. » Il y a quelques jours la justice française a demandé des éclaircissements à la justice marocaine sur la personne arrêtée. Mais il n'y a pas d'accord d'extradition entre les deux pays.
« Je me sens en sécurité mais me sais en insécurité, » constate-t-il. Et s'il veut être protégé, bien entendu, il ne veut pas être « enterré» ou empêché de travailler…
Dans l'émission et dans son ouvrage « Il faut tenter de vivre » qui vient d'être publié aux Editions du Seuil, Robert Redeker affirme, à juste titre, que « en pays laïque aucun prophète ne doit terroriser. » A cet égard une auditrice de la station dénonçait cette « culture de peur » dans laquelle beaucoup s'enferment aujourd'hui en France. Elle donnait en exemple les conditions dans lesquelles s'est déroulé un examen de médecine auquel vient de participer sa fille. Certaines candidates étaient entièrement voilées. Elle soulignait que cela rend d'éventuelles tricheries aisées – certaines ont été démasquées, d'ailleurs – et que si quiconque se présentait avec une cagoule, par exemple, il ne serait pas admis dans une salle d'examen, dénonçant ainsi un traitement d'exception pour ces candidates voilées. Traitement accordé au mépris total de la laïcité et des valeurs républicaines. Robert Redeker, pour sa part, dit avoir le sentiment que «certains capitulent bien trop facilement devant les fous de Dieu… » Et c'est bien là la nature du danger qui pèse sur la République.
Parmi les réactions odieuses citées par Jean-Pierre Elkabach par le biais de ses questions : le fait que le philosophe se serait « fait peur tout seul. » Ce qui revient à dire que DST et forces officielles qui le protègent se seraient laissées berner….Quant à un quelconque emballement médiatique….cela aurait plutôt été le contraire dans les faits – il faut rappeler à cette occasion que www.resiliencetv.fr a lancé la première pétition de soutien au philosophe, signée par quelque 3600 personnes- . Silence médiatique relatif qui n'empêchait pourtant pas un représentant du parti Alternative Libérale de dire haut et fort dans les coulisses d'un Colloque que le philosophe « avait bien su utiliser les médias… ». Evoqué aussi ce matin un soutien du bout des lèvres, du style du « oui, mais… » dont beaucoup ont été coupables.
Il y a eu aussi « la faute de communication de Gilles de Robien, » ministre de l'Education Nationale et qui avait apporté un soutien en demi teinte, c'est le moins que l'on puisse dire, en précisant que tout fonctionnaire a « un devoir de réserve. » Devoir totalement respecté par Robert Redeker qui n'a parlé de rien de ce qui se passait au sein de l'établissement dans lequel il enseignait à l'extérieur et qui, selon le témoignage d'une élève recueilli aussitôt après l'exclusion forcée de l'enseignant, n'évoquait jamais ce type de question pendant ses cours.
En revanche, note Robert Redeker, il a été totalement soutenu par Nicols Sarkozy.
Et il y a eu le lâchage indigne des parents, des élèves, de ses collègues du Lycée où il était enseignant, ou des syndicats. Ou l'attitude du MRAP et de la Ligue des Droits de l'Homme qui, « non seulement ne l'ont pas soutenu, mais l'ont mis au banc des accusés… » Ce qui avait été le cas aussi pour un autre enseignant, en histoire, Louis Chagnon, accusé, diffamé publiquement dans des communiqués de presse et sur Internet, ayant reçu un blâme – même minime – de son administration pour avoir osé dire à une classe que Mahomet avait été un temps pilleur de caravanes et avait massacré une tribu juive – faits historiques avérés-.
D'aucuns, soulignait Jean-Pierre Elkabach, ont dit qu'il « était allé trop loin » ou « l'avait bien cherché »…Réplique du philosophe : cela procède du même raisonnement qui voudrait que « la femme violée n'a eu que ce qu'elle mérite. » Et, dit-il, « il est très inquiétant qu'en 2006 on puisse encore dire que la victime n'a que ce qu'elle mérite…. » Quant à « revenir sur ce qu'il a dit, » comme cela a été suggéré, « ce serait intellectuellement indigne, » répond-t-il. Et il ajoute que son texte du Figaro, court pour cause de format, « est une partie de la vérité. » D'ailleurs un tel recul impensable serait aussi une défaite notable pour la laïcité car une victoire pour les islamistes. Qui ne baisseraient pas les armes pour autant. Bien au contraire.
Alors, pourquoi ce vaste lâchage ?
Analyse qui reflète totalement la situation qui prévaut hélas aujourd'hui en France. Et qui explique, par exemple, que des années durant le P.S. ait laissé pourrir les banlieues, y commettre des actes antisémites en silence – ce qu'a reconnu il y a peu François Hollande-, ces « quartiers » étant habités par de « bonnes victimes. » Ou ce qui explique qu'une partie des juges se retrouvent du côté de ces « bonnes victimes, » ayant la main plus que légère avec certains auteurs de délits, voire à répétition, et que certains tribunaux soient devenus des zones où les gardes sont insultés, les escaliers utilisés comme urinoirs – comme au temps de Louis XIV me direz-vous, mais quand même…-, etc. au vu d'images largement diffusées.
Il y a eu aussi, fort heureusement, des soutiens comme des pétitions en sa faveur, des articles ou émissions. Notamment le soutien de Claude Lanzman, directeur des Temps Modernes, ou de Bernard-Henri Lévy, Dominique Sopo, Elisabeth Badinter, Caroline Fourest, André Glucksman, Michel Taubmann. Ou encore Philippe Val, contre qui la Mosquée de Paris, pourtant réputée modérée, a porté plainte pour avoir publié les fameuses caricatures danoises – une audience devrait avoir lieu sous peu dans cette affaire-. Ainsi que des dizaines d'intellectuels comme ceux qui se sont réunis autour de la LICRA à Paris, après la réunion de Toulouse. Des dizaines, certes, deux ou trois cents peut-être, mais bien trop peu au regard des enjeux.
Lorsqu'il l'a reçu le ministre de l'Education Nationale a « rappelé que toute atteinte à la liberté d'opinion et d'expression est intolérable, » lui a « réaffirmé toute sa solidarité, » et lui a « fait plusieurs propositions » afin qu'il puisse retrouver une vie normale et sereine avec sa famille, ainsi qu'une activité professionelle… » Reste à savoir lesquelles et surtout, si elles sont réalistes. Ce communiqué mesuré du ministre ou les déclarations du philosophe sur Europe1 ont-t-elles été reprises avec l'éclat qu'ils auraient dû avoir ? Apparemment pas. Ce serait pourtant bien souhaitable pour laïcité et République que tous les responsables des médias aient le courage d'un Philippe Val ou d'un Jean-Pierre Elkabbach, même si on n'est pas toujours d'accord avec eux. Ou tous les hommes politiques celui d'un Nicolas Sarkozy qui l'a soutenu sans réserves dès le début de l'affaire.
18 janvier 2007