Il y a en fait deux explications : soit elle agit comme son père aux portes du pouvoir, sortant une énormité qui la coupe automatiquement d'une droite conservatrice qui aurait pu voter pour elle au second tour —car au fond elle préfère entretenir la flamme plutôt que de se coltiner la dure réalité d'une France de plus en plus frondeuse donc ingouvernable ; soit elle se prépare plutôt pour 2022, 2017 n'étant qu'une répétition générale, d'autant qu'elle sait que son équipe n'est guère prête encore, voyant surtout aussi l'extrême gauche très haute (dans les 30% si l'on additionne les Mélenchon Hamon Poutou et Artaud) elle préfère alors botter en touche en attendant que le fruit tombe.
En tout cas elle a prononcé cette phrase. Il ne s'agit pas de crier avec les loups, mais d'indiquer à nouveau que le problème n'est pas tant de distinguer Pétain et Hitler que de croire en l'irréalité de l'antisémitisme proprement français alors que, précisément, Vichy voulait s'occuper, seul, de ses juifs, sans les nazis ; aussi si les juifs étrangers ont été sacrifiés les premiers c'est moins pour protéger les juifs français comme le croit Zemmour que de s'occuper de ceux-ci sans que les "Germains" ne s'en mêlent, Pétain restant ainsi fidèle à Maurras et à l'Action Française de l'époque pour lesquels il s'agit, d'abord, d'une affaire française (d'où l'anti-germanisme maurrassien qui a d'ailleurs via la Cagoule suivi De Gaulle à Londres).
Ainsi les lois antijuives opérées par Vichy s'inscrivent dans la spécificité, l'autonomie de l'antisémitisme français dont nombre d'intellectuels se réclament tel Céline comme l'a analysé récemment Pierre-André Taguieff ; dire le contraire en avançant uniquement le facteur de la pression nazie c'est ne pas comprendre non plus le fait que ladite "révolution nationale" s'érige non seulement contre 1905 et 1881 (instauration de l'école publique gratuite) mais 1789 sans cependant comprendre pourquoi cette date surgit, comment se fait-il que l'élite nobiliaire française à la différence de sa consoeur anglaise, s'est fourvoyée (comme elle le fait actuellement…) en refusant toute idée de changement alors que ce dernier peut s'inscrire dans une continuité historique pourtant (ou le jeu de la différence au sein de l'identité soulignait Émile Meyerson lisant Hegel comme l'avait indiqué Alexandre Koyré…)
Quoi qu'il en soit en parler ainsi est bien pour le moins ambigüe. On verra bien si cela permet de se détacher de Mélenchon qui semble avoir puisé dans son électorat potentiel ces derniers temps. Il aurait mieux fallu expliquer qu'à l'époque, et en ce sens le mot de son père sur le "détail de l'Histoire" aurait été mieux perçu, peu de gens ne s'étaient douté que ce dit "détail " était l'objectif premier des nazis ; d'ailleurs, à la Libération il n'y avait pas de statut de déportés juifs, seuls les prisonniers de guerre et les résistants en bénéficièrent, il fallu attendre de longues années avant que la spécificité de la destruction des juifs d'Europe apparaisse comme le but de guerre nazi lui-même.
Mais décidément, entre Macron qui ne connaît rien à la guerre d'Algérie, Marine le Pen qui joue ainsi bien allègrement avec les symboles, sans parler de Mélenchon qui ne dit pas un mot sur les massacres djihadistes, sans oublier l'effondrement du Venezuela au bord de la famine, et sans parler de tous les autres qui diabolisent Amérique et Europe (sauf Fillon) nous ne sommes pas vraiment gâtés. D'où l'envie furieuse d'aller à la pêche…