C‘est en tout cas le réflexe que les médias traditionnels, dont le comportement a la plus part du temps oscillé entre journalisme-spectacle et aveuglement idéologique, ont contribué à engendrer dans les consciences. Les médias américains ayant plutôt succombé au premier, ceux du Vieux Contient au second. Ces derniers, dans une satisfaction morbide à peine occultée, profitèrent de l’occasion pour dénoncer tous les torts et méfaits supposés des États-Unis. Furent ainsi tour à tour mis en cause le racisme endémique de la société américaine, les inégalités sociales, la débilité de son président et l’incompétence de son administration, l’intervention militaire en Irak, le libéralisme économique, le refus du protocole de Kyoto ou encore l’impérialisme de la superpuissance.
D’emblée, il convient de souligner le caractère fallacieux de l’information-spectacle diffusée par certains canaux médiatiques américains et largement relayée par la presse européenne. Les gangs armés écumant les rues et terrorisant la population, les corps entassés, les viols sur mineurs à répétition, les tireurs isolés prenant pour cible les hélicoptères de secours … autant d’évènements dont le caractère fictif est aujourd’hui avéré. Mais l’impact fut tel que l’administration fédérale elle même modela son comportement en fonction de ces rapports journalistiques alarmants. C’est ainsi que les hommes de la Garde Nationale, dépèchés dans les centres urbains afin de rétablir l’ordre, découvrirent avec surprise des villes très calmes, fort éloignées de l’image d’un chaos sanglant et meurtrier diffusée par la presse.
Les rapports concernant les snipers tirant sur les appareils de sauvetage furent également considérés comme fiables et en conséquence, les hélicoptères durent demeurer au sol durant 24 heures au lieu d’évacuer blessés et sinistrés, dont quelques uns périrent faute d’avoir été transportés à temps vers des complexes médicaux adaptés.
En Europe, ce tragique évènement fut l’occasion d’un jouissif lynchage en règle de l’Amérique pécheresse. Le Monde diplomatique affirmait ainsi que “l’ouragan Katrina et les inondations qui ont détruit la Nouvelle Orléans auront probablement fait plusieurs milliers de victimes ; pour la plupart noires et pauvres… Déjà d’autres catastrophes « naturelles » avaient frappé avant tout les plus démunis”. Les journaux l’Humanité et Libération parlaient quant à eux de “plus de 10.000 morts” sur “fond de racisme” tandis qu’en Espagne, le quotidien El Mundo soutenait que cela “met en évidence les points faibles d’un pays qui, occupé (…) par ses aventures impériales, a négligé des sujets bien plus importants, comme le bien-être des ses habitants“. En Italie, la Stampa soulignait quant à elle que “l’ouragan emporte Bush, accusé d’avoir envoyé en Irak les soldats qui auraient pu éviter le désastre“.
Qu’en a-t-il été réellement? L’on sait aujourd’hui qu’un peu plus de 1.500 personnes ont péri durant la catastrophe et que les Noirs et les pauvres n’ont absolument pas été sur-représentés parmi les victimes, relativement à leur part dans la population de la Nouvelle-Orléans. Concernant les préparatifs, plusieurs erreurs furent sans doute commises et la réaction de l’administration Bush manqua certes quelque peu de célérité. Néanmoins, avant de parler d’incompétence ou de débilité, il convient de rappeler que c’est un territoire grand comme les 2/3 de la France qui s’est retrouvé sous les eaux.
Lorsque l’on sait qu’une simple canicule de 15 jours, prévisible et prévue, fit dix fois plus de victimes (15.000) dans l’Hexagone il y a deux ans, certains commentaires auraient gagné à être plus objectifs et modérés. Quant aux prétendus effectifs et moyens militaires détournés au profit de l’Irak, l’on fut presque conduit à croire qu’il ne restait plus un seul engin ou soldat disponibles sur le sol américain. Ce alors que seuls 10,2% des forces US étaient en Irak à ce moment-là et que 75% d’entre elles demeuraient sur le sol national. Durant la tragédie, la Garde Nationale déploya et géra 7.500 hommes, 200 navires et 150 hélicoptères de secours qui effectuèrent plus de 10.000 sorties, transportèrent plus de 88.000 passagers et 18.000 tonnes de matériel et sauvèrent 17.000 survivants. Que dire des accusations liées au refus de signer le protocole de Kyoto, sinon que ce fut Bill Clinton et non le président Bush qui fut à l’origine de ce rejet et que, selon un rapport de l’O.N.U., ses effets sur le réchauffement planétaire ne seront qu’infimes?
Ainsi, malgré les erreurs indubitables de l’administration fédérale, c’est avant tout l’incompétence et la partialité des médias qui doivent être dénoncées. Et en dépit de tous les déboires évoqués ci-dessus, l’affaire a vite été oubliée et un mea culpa est attendu en vain des deux côtés de l’Atlantique. Aussi ironique que cela puisse paraître, certains reporters s’étaient réjouis de pouvoir “faire du véritable journalisme” au cours de la catastrophe. Oui, cela ne fait aucun doute, Katrina fut avant tout une défaite honteuse de la presse. Mais loin de constituer un épiphénomène, cette débandade médiatique fut plutôt la conclusion prévisible d’une véritable masse critique, alimentée de façon permanente par les errances journalistiques actuelles.
Source: Ordre 66