Le 31 mai le Secrétaire d’Etat américain, Condoleezza Rice, annonçait que les Etats-Unis accepteraient de participer à des négociations avec l’Iran si, en contrepartie, et comme le demandent Europe et AIEA – Agence Internationale à l’Energie Atomique- ce pays acceptait de suspendre un enrichissement de l’uranium entrepris très ouvertement dans un nouveau défi lancé en avril dernier. Elle ajoutait que les Etats-Unis comprennent parfaitement la volonté iranienne de se doter du nucléaire civil – ce qui serait le seul but recherché par l’Iran selon son Président, mais ce qui est démenti par les faits-. Et elle se disait totalement en faveur des incitations économiques offertes par Europe, Russie et Chine, soulignant que la balle était désormais dans le camp iranien. Le Secrétaire d’Etat évoquait également l’alternative en cas de refus iranien : « un isolement international et des sanctions politiques et économiques progressives. » L’équation qu’elle résume ainsi : « des bénéfices si l’Iran fait le bon choix mais des coûts si tel n’est pas le cas, » est claire.
Selon elle la diplomatie a toujours fait partie des moyens préconisés par le Président Bush, mais, en cas d’échec avéré de la voie diplomatique, des sanctions fortes seraient à décider dans le cadre du Conseil de Sécurité. Reste aussi, pour les Etats-Unis, une éventuelle option militaire. Ce qui ne fait pas l’unanimité. En effet, le gouvernement britannique faisait savoir que l’utilisation de la force « n’était pas à l’ordre du jour. » Et lors d’une rencontre entre Tony Blair et le Pape, le Souverain Pontife mettait l’accent sur la nécessité de trouver une solution négociée.
Il faut noter que Condoleezza Rice évoquait également lors de cette conférence de presse du 31 mai le soutien que l’Iran apporte au terrorisme, sa participation aux violences en Irak et son influence négative au Liban où le régime iranien oeuvre contre « le retour de la souveraineté pleine et entière » du pays du Cèdre. En réponse à des questions, elle précisait que « l’attitude de l’Iran met en danger le peuple irakien et nos propres forces » et que l’Iran « soutient le terrorisme dans des endroits comme les Territoires Palestiniens et, en effet, au Liban. » Un volet très important auquel on voit mal l’Iran renoncer.
Côté français, ce changement de cap dans la politique américaine a été salué par le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, qui y voit un renforcement de la position européenne.
Les analystes s’accordent, pour leur part, à estimer que ce revirement américain serait motivé par le fait que la Russie et la Chine traînent visiblement les pieds en ce qui concerne l’Iran qui est pour eux un partenaire commercial. Même si, comme l’affirmait Condoleezza Rice, « nous ne pouvons permettre à l’Iran de se doter d’une arme atomique. Tout le monde est d’accord sur ce point. » Et ce sont justement ces réticences russes et chinoises qui auraient décidé les Etats-Unis à accepter le principe de négociations. Selon le New York Times c’est lors d’une rencontre entre Condoleezza Rice et les ministres des Affaires étrangères européens à Berlin il y a quelque deux mois que le Secrétaire d’Etat aurait compris que l’Iran exploitait ces divergences.
(Voir : http://www.nytimes.com/2006/06/04/world/middleeast/04iran.html ).
Et c’est alors, en tenant compte des ces réalités et d’un risque d’éclatement de toute coalition que le Président Bush aurait décidé d’accepter l’idée de proposer des négociations directes américaines avec l’Iran.
La question étant de savoir ce que sont les chances de succès de telles négociations. Président de la Commission des Affaires étrangères du Conseil National de la Résistance Iranienne – CNRI -, important groupe d’opposition au régime des mollahs, Mohammad Mohaddessin, estime que de telles concessions sont non seulement faites en pure perte mais risquent d’avoir un effet contraire aux buts recherchés. « Cela ne donnera rien, » dit-il, « le régime iranien a décidé de ne pas mettre un terme à l’enrichissement de l’uranium et nombre d’autres hauts responsables iraniens disent la même chose.
Et des officiels de premier plan ont même annoncé qu’au lieu d’un enrichissement à 10 % l’Iran passerait à un enrichissement à 20 %. Ce signe de faiblesse de la part des Etats-Unis ne peut qu’encourager l’Iran à aller plus loin. » Et il rappelle que « l’utilisation principale que fera l’Iran de cet ensemble de propositions sera de gagner du temps. Or, le temps est un élément très important. » Pour ajouter que « le ministre des Affaires étrangères russe a déclaré qu’il n’était pas question d’action militaire. Le gouvernement de Téhéran comprend donc qu’il n’y a pas de politique déterminée et unifiée contre lui. Cette déclaration américaine est une erreur politique. »
Côté iranien, en effet, le Président a déclaré le 2 juin que son pays ne céderait en rien dans le domaine du nucléaire, tout en précisant que l’Iran prendrait le temps d’examiner les propositions qui seront faites. Et le Guide Suprême, l’ayatollah Kamenei, qui, de fait, tire les ficelles, répondait à ces pressions en brandissant l’arme du pétrole dont les livraisons « peuvent être mises en danger, » menaçait-il.
Dans une rencontre sur l’Iran fin mai, les chances de négocier avec un tel régime étaient sérieusement mises en doute par nombre d’intervenants. ( Voir : https://www.resiliencetv.fr/modules/news/article.php?storyid=794 ).
Javier Solana, qui représente la diplomatie européenne, doit présenter le mardi 6 juin aux Iraniens ces dernières offres, qui n’ont pas été rendues publiques, faites conjointement par les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Il fera le déplacement pour l’occasion. Mais il serait surprenant que ces offres, sans nul doute avantageuses pour l’Iran, puissent convaincre le régime iranien de revenir à la raison. On verra sans doute dans les jours qui viennent les limites de la politique d’apaisement menée en vain jusqu’ici.