Ne me dites pas que c’est un citoyen israélien qui en est l’auteur, qui plus est, un homme politique d’envergure dont, faut-il le rappeler, le devoir est de prendre en compte les aspirations du peuple auquel il est censé appartenir. Yossi Beilin n’est pas sans ignorer que plus de la moitié de ce peuple vit encore en exil et revendique un droit de regard que nul Juif digne de ce nom ne saurait lui contester. C’est que nul autre peuple n’a autant marqué l’histoire de l’humanité, faut-il également le rappeler ? C’est aussi que, n’en déplaise aux universalistes de salons, cette humanité est énormément redevable à ce peuple très particulier pour tous les bobos qu’elle lui a infligés.
Il est vrai qu’on peut être citoyen Israélien sans être Juif et qu’on peut être Juif et/ou Israélien sans être sioniste ou religieux. Personne n’oserait faire offense à Yossi Beilin en le soupçonnant d’être un fervent sioniste doublé d’un fervent serviteur du Judaïsme. Non, l’Idéologie dont il se réclame privilégie plutôt l’agnosticisme ou l’athéisme. c’est ainsi qu’on peut voir évoluer dans sa mouvance des personnes qui sont cataloguées, à tort ou à raison, comme étant des adeptes d’un genre nouveau : le post-sionisme impliquant souvent d’exhiber à la boutonnière le léger brin d’antijudaïsme en vogue qui n’a pas son pareil pour rassurer les camarades révolutionnaires. C’est là que réside toute la différence.
L‘approche mathématique, cette manière simpliste de rationaliser le problème démographique rend de toutes les façons et à plus ou moins brève échéance la fin d’Erets Israël inéluctable. En effet, 20% d’Arabes à l’intérieur de la ligne verte ne perdent rien pour attendre et la quadrature du cercle, demeure indivisible. Le danger qui passe par le bulletin de vote reste le même sauf que cette fois, c’est pour après après-demain. Big deal !
Autrement dit, en cherchant l’erreur, on déduit ce qui est implicite dans le discours de l’extrême-gauche israélienne : il n’aurait pas fallu faire renaître l’État d’Israël en lieu et place où il fut royaume selon la… légende ? En revanche, à supposer que nous sachions nous vendre à nos voisins, une dhimmitude dans sa version la plus soft ne ferait-elle pas l’affaire pour la plus grande satisfaction des automobilistes qui se font racketter par les pompistes pour le compte des Etats ?
Qu’importe…
– Que les guerres aient été diligentées par ceux-là mêmes que Yossi Beilin regarde comme des victimes,
– Que les revendications ennemies aillent crescendo, frontières 67, puis Frontières 48, puis retour des réfugiés, puis souveraineté entière sur Jérusalem et les lieux saints, puis Haïfa, puis… ,
– Les Trois “NON” de Khartoum et les démystifications de Taba et de Genève,
– Que l’état palestinien sensé s’étendre sur Israël n’existe que virtuellement,
– Que le Roi de Jordanie ne soit pas pressé de voir surgir cette entité qui le détrônerait à la première occasion,
– Que Les fondements d’Eretz Israël soient hâtivement fragilisés par un parti politique traditionnellement minoritaire,
L’essentiel n’est-il pas qu’une équipe de droite puisse changer de camp et d’avis tout en se donnant les moyens de twister le peuple pour conserver le pouvoir ?
Bonne ou mauvaise, l’idée du transfert n’est pas plus délirante que celle qui introduit l’option du suicide national ou celle qui préconise la création d’un second Etat palestinien, vitrine idéalement agencée pour exposer la bonne conscience du monde dit civilisé, lequel feint d’ignorer que le but ultime de cette mascarade est de jeter tous les Juifs à la mer.
En effet, l’examen de la maquette territoriale (un noeud avec les deux coins d’un mouchoir) laisse les spécialistes rêveurs. Le piège est à la mesure du mensonge : plus il est gros, plus il passe. Ceux qui sont en charge du dernier îlot où un Juif peut encore se réfugier ont le devoir d’intégrer (pour s’en prémunir) les effets pervers du système démocratique dont on sait qu’il est aussi formaté pour s’auto-détruire. Monsieur Yossi Beilin le dit : ” Si on nous avait accordé un état, nous aurions pu sauver une partie des victimes de la Choa…”
Qu’il daigne consulter le tableau ci-dessous et qu’il nous dise ensuite s’il ne se sent pas gêné d’hurler avec les loups, s’il a envisagé de donner une chance au camp arabe d’être ce qu’il pourrait devenir un jour : bon prince, moins gourmand et solidaire d’un voisin qui peut l’aider à prospérer de façon significative. Comment ? Ben, en lui susurrant, CHIFFRES A L’APPUI, que la morale aussi est universelle.
49 pays musulmans = 33,4 millions de Km2 = 1,32 milliard de musulmans
Israël =21 946 Km2 = 5,9 millions d’israéliens
Moyennes : les territoires de l’Islam sont 1522 fois plus grands qu’Israël, la population musulmane est 223 fois plus nombreuse ; il y a 39 musulmans par Km2 et 268 israéliens par Km2. Les seuls revenus pétroliers annuels des pays arabes représentent plusieurs milliers de fois le produit intérieur brut d’Israël
Sources : Les nombres cités ci-dessus sont extraits du « Quid 2003 » de Dominique et Michèle Frémy. * Seuls les pays à majorité musulmane (> 30%) sont cités, excepté l’Inde dont le nombre de musulmans est particulièrement significatif .
Le moins que l’on puisse dire est que la raison majeure pour laquelle Sharon a changé d’avis n’est pas la même selon qu’on s’appelle Yossi ou Binyamin. Elle est probablement le résultat d’une combinaison de raisons mineures plus ou moins flatteuses confortées par le diktat du principal actionnaire dont les intérêts sont en prise directe avec le dollar.
Il y a la façon honorable de présenter les choses : “…jusqu’au jour où ils réalisèrent combien ils s’étaient trompés. 39 années perdues en erreurs et en “implantations” et en pertes humaines”
Il y a l’autre façon qui consiste à faire re-défiler le film de la naissance au forceps de Kadima. Cette ruée vers le pouvoir des ex-Likoud qui ont, D-ieu merci, soudainement et de concert, réalisé qu’ils seraient bien bêtes de persister dans l’erreur d’autant que les privilèges se font rares dans le camp des perdants. La débandade a laissé des empreintes dans les coeurs…
Heureusement qu’une affirmation gratuite ne se suffit pas à elle-même. L’aplomb avec lequel Yossi Beilin assène ses vérités a de quoi faire bondir. Exemple : “Les idées délirantes… selon lesquelles les Palestiniens voteraient au Parlement jordanien sont immorales et irréalisables”.
POURQUOI RÉCLAMER A CORPS ET A CRI LE RETOUR AUX ANCIENNES FRONTIERES AU NOM DE LA MORALE ET REFUSER AUX AUTOCHTONES LE RETOUR AU STATUT QUI ÉTAIT LE LEUR AU NOM DE LA MÊME MORALE. IRRÉALISABLE ? ALLONS DONC ! PARCE QUE BEAUCOUP PLUS SIMPLE, PLUS NATUREL ET PLUS LOGIQUE ?
Il est consternant de constater avec quelle facilité l’être humain rivalise de versatilité pour se plier à la dictature de l’adage qui veut que la raison du plus fort soit toujours la meilleure.
Si le grand frère américain et son cadet européen avaient été ce qu’ils devraient être, des parents responsables veillant à ce qu’il y ait un minimum de soupe pour chaque membre de la famille planétaire; si la morale comptait à leurs yeux plus que toute autre considération à caractère mercantile; s’ils avaient entrepris de convaincre autour d’eux qu’il fallait laisser un peu de répit à un peuple qu’ils ont, pour les uns, abandonné dans la tourmente, pour les autres, tenté de détruire, alors, rien ne serait opposé à ce qu’ils fassent triompher le bon sens et la bonne mesure dans les prétentions de chacun, d’autant que les Arabes ont plus à gagner qu’à perdre en misant sur la coexistence pacifique avec leur voisin.
L’idée sioniste est une idée que d’aucuns considèrent divine. Que Yossi Beilin s’en offusque, c’est son droit; bien évidemment, faut-il encore que lui-même respecte ceux que son idéologie laisse perplexes.