29 mars 2024
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Pourquoi il faut supprimer l’ISF, cet impôt injuste et destructeur

Or il est malheureusement probable que le débat s’égarera autour de petits changements arbitraires, comme cela a été le cas au cours des années passées. Le système fiscal français est en effet le produit d’un bricolage fiscal dans lequel on accumule des mesurettes en fonction des caprices politiques et des lubies administratives. Le citoyen-contribuable perd son temps à essayer de comprendre cet édifice invraisemblable dont les éléments ne sont en rien inspirés par la logique économique.

La première question que l’on devrait se poser est évidemment la suivante : faut-il imposer le capital ? En termes très généraux, on peut définir le capital comme la source du revenu et on peut donc en distinguer deux catégories : le capital humain et le capital non humain. On peut aussi dire que la valeur d’un capital dépend de la valeur des flux de rendement actuels et futurs qu’il permet d’obtenir. Lorsqu’un élément de capital est échangé sur un marché, un prix apparaît et il est évidemment déterminé par l’évaluation faite par les échangistes de ces flux anticipés de rendements. Dans les sociétés que nous connaissons, où l’esclavage a heureusement disparu, le capital humain n’a pas de valeur de marché et seul le capital non humain est évalué sur les marchés financiers. Par conséquent l’impôt sur le capital – parce que les administrations fiscales connaissent seulement ce qui a un prix de marché – ne touche en réalité qu’une partie du capital, le capital non humain. Il est de ce point de vue particulièrement injuste et arbitraire.

Étant donné que le capital est la source du revenu et que la valeur des revenus détermine la valeur du capital, il revient au même de taxer le revenu ou de taxer le capital. Ainsi, si un élément de capital a un rendement de 5 % par an (c’est-à-dire que la valeur du capital est égale à vingt fois la valeur du revenu annuel), il revient au même de taxer le capital à un taux de 2,5 % ou de taxer son revenu à un taux de 50 %. Mais dans un système fiscal où il existe un impôt sur le revenu et un impôt sur le capital, on taxe deux fois la même chose : dans notre exemple, l’addition d’un taux de 50 % sur le revenu et de 2,5 % sur le capital aboutit à une taxation de 100 %, c’est-à-dire que le rendement après impôt du capital devient nul. Même si l’on n’atteint pas le plus souvent ce niveau de spoliation, il n’en reste pas moins que l’ISF français représente un prélèvement qui peut être considérable. Si l’on admet en effet que le taux de rendement moyen du capital sur le long terme est de l’ordre de 3 % – ce qui semble une approximation acceptable – le taux maximum de l’ISF, soit 1,8 %, est équivalent à un taux d’impôt sur le revenu égal à 60 % !

C’est évident, l’impôt sur le capital constitue une formidable incitation à ne pas accumuler de capital. Mais ce problème est aggravé par le fait – trop méconnu – que l’impôt sur le revenu est déjà lui-même un impôt sur l’épargne, donc sur l’accumulation de capital. Supposons en effet un individu qui reçoit un revenu (provenant de son capital humain ou non humain). Il paie un impôt sur le revenu et il peut affecter la partie restante soit à la consommation, soit à l’épargne. Dans le premier cas, la matière fiscale disparaît à jamais et elle ne peut donc plus être soumise à l’impôt sur le revenu. Dans le deuxième cas, elle est réintroduite dans le circuit économique et le rendement futur de l’épargne entrera dans l’assiette de l’impôt sur le revenu, de telle sorte qu’il y a double taxation de l’épargne par rapport à la consommation.

L‘impôt sur le revenu présente donc ce grave inconvénient d’inciter tous les contribuables à consommer plutôt qu’à épargner, à faire le choix du présent plutôt que le choix du futur. Certes, on n’est pas très sensible à ce grave défaut du système fiscal français dans un pays où l’on tient pour acquise l’une des plus étonnantes aberrations de l’histoire de la pensée économique, celle qui consiste à considérer, à la suite de la théorie keynésienne, que la consommation est favorable à l’activité économique, en stimulant la demande, alors que l’épargne serait stérile. Cette idée est évidemment absurde puisque la consommation est un acte de destruction de richesses, alors que l’épargne est au contraire un acte de conservation des richesses.

L’impôt sur le revenu impliquant déjà une double taxation du capital – tout au moins du capital non humain -, il est tout à fait aberrant d’y ajouter un impôt sur le capital, mais aussi d’ailleurs des droits de succession ! Si une réforme fiscale était légitime, c’est bien celle qui consisterait à supprimer définitivement non seulement l’ISF, mais aussi tous les droits de succession.

Mais pour rétablir véritablement une égalité de traitement entre la consommation et l’épargne, il faudrait même aller au-delà de la suppression de ces deux impôts. La meilleure des solutions consisterait à adopter ce que l’on appelle parfois «l’impôt sur la dépense globale ». Celui-ci consiste tout simplement à donner au contribuable la liberté de déduire, s’il le désire, son épargne annuelle de l’assiette de l’impôt déclaratif qui porte actuellement le nom d’impôt sur le revenu.

En réalité, la grande erreur qui inspire le système fiscal français est celle – d’inspiration évidemment marxiste – qui consiste à penser qu’il existe deux classes antagonistes, les capitalistes et les salariés, de telle sorte que la justice sociale impliquerait d’effectuer des transferts obligatoires des premiers vers les seconds (d’où le nom usurpé «d’impôt de solidarité sur la fortune »). En réalité, capitalistes et salariés sont profondément solidaires dans la poursuite d’une croissance due à l’accumulation de capital. Pour retrouver la voie de la prospérité aussi bien que celle d’une véritable solidarité, la solution est donc simple : il faut supprimer l’ISF et les droits de succession et substituer l’impôt sur la dépense globale à l’impôt sur le revenu. Mais encore faut-il ajouter qu’il conviendrait de diminuer les taux de ce dernier jusqu’à l’adoption d’une «flat tax », c’est-à-dire de supprimer la progressivité de l’impôt.

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