23 mars 2025
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Le Moyen-Orient des croissants

Ces alliés arabes des Occidentaux sont terrifiés de voir la Syrie, après l’Irak, se jeter dans les bras de la Perse séfévide. La guerre du Liban, que ces chefs d’Etat ont discrètement soutenu en refusant de cautionner le Hezbollah, a produit l’effet inverse de celui qu’ils attendaient. Le chef de la milice chiite pro-iranienne, Hassan Nasrallah, est devenu l’homme le plus populaire de la région, y compris chez les sunnites du Caire et de Riad.

L’axe irano-syrien fait peur. Les derniers accords économiques entre les deux pays vont de la création d’une banque commune à la construction d’une cité industrielle, en passant par la concession des transports urbains syriens à une société iranienne, qui va importer 1 200 bus. De plus, à en croire les journaux arabes, une vague de conversions au chiisme toucherait de nombreux dignitaires sunnites syriens. Une information difficile à vérifier, mais qui révèlent assez bien l’angoisse des régimes arabes et la méfiance qu’ils éprouvent à l’égard de la théocratie chiite. Mais l’Iran qui ne se contente pas d’un vassal syrien aux institutions vacillantes, commence à tisser sa toile dans tout le Moyen-Orient.

En déroulant le tapis rouge au président irakien Jalal Talabani (et non du Premier ministre chiite Nouri el-Maliki), ce kurde laïc et fervent allié des Américains, Téhéran cherche à s’imposer comme acteur régional incontournable et à user de son influence en Mésopotamie voisine. L’annulation du voyage à Téhéran du président syrien, Bachar el-Assad, au moment où se constitue à Amman un sommet informel rassemblant les sunnites pro-occidentaux au président George W. Bush démontre bien le caractère discret et timide de l’axe irano-syrien qui craint un affrontement prématuré avec les sunnites.

La visite du président américain à Amman, devenu lieu de pèlerinage pour les dirigeants sunnites de la région, et le passage à Riad de son vice-président Dick Cheney laisse penser à la constitution d’un axe sunnite indispensable à des éventuelles frappes aériennes contre les installations nucléaires iraniennes.

Le Moyen-Orient se bipolarise, avec pour puissances régionales antagonistes le camp des pragmatiques, alliés aux Etats-Unis, (pays arabes sunnites dits modérés, Turquie), à l’axe irano-syrien (que représente le Hezbollah et les alliés de Damas à Beyrouth). Certains pays de puissance moyenne (middle power) comme le Yémen et le Soudan se rapprochent davantage de l’axe Téhéran-Damas, plus par opposition au camp sunnite guidé par Le Caire et Riad que par véritable conviction politique. A Gaza, l’attitude ambivalente des dirigeants du Hamas vis-à-vis des engagements pris dans le passé par l’Autorité palestinienne expriment sans doute un éclatement interne lié à cette bipolarisation globale de la scène politique moyen-orientale.

Il y a un an et demi, le roi Abdallah II de Jordanie se disait préoccupé par la constitution d’un « croissant chiite » aux portes de son royaume (l’Irak désormais gouverné par le parti chiite Daawa islamiya, la Syrie de plus en plus proche des ayatollahs de Téhéran et le Hezbollah devenu acteur politique puissant au Liban). Le souverain hachémite s’était alors attiré les foudres des chiites, notamment d’Irak, qui l’ont accusé de communautarisme. Il y a trois mois, au cours d’une visite en Californie, le Premier ministre britannique a été le premier à parler de « croissant sunnite » évoquant la nécessité pour Washington et Londres de rassembler des alliés au Moyen-Orient pour faire face à l’axe irano-syrien dont les fruits amers se font sentir en Irak et au Liban. Visé par Téhéran et Damas au même titre que les alliés arabes de Washington, Israël aurait-il une part du « croissant sunnite » ? En d’autres termes, un affrontement global avec l’Iran ne rapprocherait-il pas Israël du camp arabe dit modéré des sunnites ? Les mois qui viennent nous le diront.

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