Rapport Baker | chapitre 1 : Approche Externe
Extraits :
Les politiques et les actes des pays voisins de l’Irak affectent grandement sa stabilité et sa prospérité. Sur le long terme, aucun des pays de la région ne bénéficierait d’un Irak plongé dans le chaos. Pourtant, les voisins de l’Irak n’agissent pas suffisamment pour aider l’Irak à parvenir à la stabilité. Certains agissent même dans le sens de sa déstabilisation. Les Etats-Unis devraient lancer immédiatement une nouvelle offensive diplomatique visant à construire un consensus international pour la stabilité de l’Irak et de la région.
Vu la capacité de la Syrie et de l’Iran à peser sur le cours des événements à l’intérieur de l’Irak, et leur intérêt à ne pas voir le chaos s’y installer, les Etats-Unis devraient tenter d’engager un dialogue constructif avec ces deux pays. L’Iran devrait stopper le flot d’armes à destination de l’Irak et fermer les camps où s’entraînent les Irakiens, respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak et user de son influence sur les groupes chiites irakiens afin d’encourager la réconciliation nationale. La Syrie devrait contrôler sa frontière avec l’Irak afin d’interrompre le passage de fonds, d’insurgés et de terroristes à destination ou en provenance d’Irak.
Décodage
Afin de justifier des négociations avec l’Iran Baker affirme que l’Iran n’a aucun intérêt à voir le chaos installé en Irak ! Or, c’est le choix délibéré du régime des mollahs qui connaît mieux que Baker son intérêt. L’ensemble de tout ce qui est écrit dans ce rapport boiteux découle de ces première lignes d’introduction qui décident de ce que devrait être l’intérêt du régime des mollahs dans région. Par ailleurs, l’exemple Libanais prouve que l’Iran a intérêt à préserver le chaos pour faire avancer ses pions dans la région. Idem en Iran : le régime des mollahs a lui-même installé un système politique confus qui lui laisse la liberté d’agir de manière confuse pour créer la confusion chez ses adversaires.
L’instabilité de la région permet aux mollahs de se poser en arbitre de la confusion. Cette confusion ne peut exister que si les mollahs ont des agitateurs sur place.
Tel est le fondement de leur stratégie, ils restent en retrait et laissent faire des intermédiaires : le Hamas, le Hezbollah et même la Syrie. Dans le cas de l’Irak, les mollahs possèdent l’atout d’avoir des « intermédiaires » aussi bien chiites que sunnites (des miliciens mais aussi des politiciens).
L’intérêt d’un Irak instable est de peser sur la politique intérieure des Etats-Unis et l’opinion américaine. L’intérêt d’un Irak instable est de contraindre le président américain à composer avec eux et si un accord est signé, que la partie américaine ne soit jamais tentée de changer de direction ! La seule garantie pour éviter un revirement posthume des Etats-Unis est de maintenir le foyer de crise ou de confusion vivace. C’est pourquoi le Hezbollah est une nécessité pour les mollahs. Le Hezbollah garantit la politique de nuisance régionale des mollahs et au retour les mollahs doivent trouver un cadre international qui garantisse le Hezbollah. L’intérêt de l’Iran est l’instabilité sur commande de la région.
Le constat de base de Baker qui prétend que la Syrie et de l’Iran ont intérêt à ne pas voir le chaos s’installer en Irak est un vœux pieux, d’ailleurs par un raisonnement à l’emporte pièce, Baker déclare : « L’Iran devrait stopper le flot d’armes à destination de l’Irak et fermer les camps où s’entraînent les Irakiens, respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Irak et user de son influence sur les groupes chiites irakiens afin d’encourager la réconciliation nationale ». En d’autres termes, avant de faire ses recommandations, Baker pose comme acquis que l’Iran des mollahs puisse oeuvrer pour la victoire des Etats-Unis dans cette région. L’idée est politiquement correcte (démagogique) mais absurde. Rapport Boiteux.
Dans le même ordre d’idée politiquement correcte, lors d’un discours sur le changement climatique (combat politiquement correct) en Hollande (pays politiquement correct), l’ancien Président des Etats-Unis Bill Clinton a soutenu l’idée d’un dialogue avec l’Iran et la Syrie.
« Je suis d’accord que nous devrions tendre (la main) aux iraniens et aux syriens et essayer d’obtenir une solution régionale », a-t-il déclaré. Selon Clinton, il existe une opportunité de « travailler ensemble » à la condition que l’Iran et la Syrie cessent de financer le terrorisme.
C’est le problème du politiquement correct : il convient bien pour les discours et plait à l’opinion mais reste absurde car si le régime des mollahs ne soutenait pas le terrorisme, il n’aurait aucun moyen de pression au Liban ou en Irak et par conséquent aucun rôle régional… Donc pour répondre à ce cher Bill, si les mollahs ne finançaient pas le Hezbollah et le Hamas, il ne serait pas nécessaire de négocier avec eux car il n’y aurait pas d’ingérence iranienne en Irak ou ailleurs. La remarque, qui est valable pour Bill, l’est aussi pour Kofi et pour Pierre [1].
Réponse des mollahs | La décision des Etats-Unis de se retirer d’Irak ne nécessite pas des négociations avec l’Iran ou avec un quelque autre pays de la région. Le régime des mollahs a répondu sans se prononcer sur le sujet et ce parce que ce régime ne veut pas s’engager dans un processus, même verbal, de stabilité qui le priverait d’un droit de nuisance en Irak. Il en va de même pour le Liban.
D’ailleurs la vraie réponse des mollahs est venue du Liban : dans un discours fleuve, le chef du Hezbollah a promis le sang et le feu au gouvernement élu du Liban. Il a même déclaré que si Siniora avait été un chiite, il l’aurait lui-même tué de ses propres mains pour amitié avec Israël qui à ses yeux équivaut à une trahison envers l’Islam.
Le seul endroit où le rapport Baker est loué pour son pragmatisme, c’est à Paris. Où les analystes, les journalistes de tout bord et Villepin y ont vu un progrès. Paris imagine qu’il rend ainsi service aux mollahs de Téhéran. Il y aussi sans doute une tentative de diaboliser Washington pour affirmer que la seule solution pour tout arranger est de négocier avec Téhéran sur « tout ». Cependant à l’image de Guillaume Parmentier, on ne précise pas ce que ce « tout » englobe. Ce « tout flou » finira par accorder en catimini des Garanties de Sécurité au Hezbollah, Garanties qui seront le déni du Souveraineté du Liban et la promesse de guerres successives sur le modèle de la dernière guerre du Liban.
Au lendemain de la publication de ce rapport, il y a donc le presque soulagement des mollahs, le retour à une rhétorique putschiste du Hezbollah, le silence gêné de Paris face à la violence inouïe des propos de Nasrallah :le cheikh Hassan Nasrallah a en effet évoqué le meurtre de ses propres mains de Fouad Siniora. Certes, le chef de file du Hezbollah a promis de poursuivre le mouvement entamé il y a une semaine pour faire tomber le gouvernement libanais, tout en balayant la perspective d’une confrontation violente. Ce sera sans doute un étranglement en douceur.