En particulier les galvaniseurs de foule islamistes qui sont derrière l’insurrection ont incité leurs partisans à attaquer des Juifs, qui sont désormais largement dépassés en nombre par les Musulmans en France, dans un rapport d’au moins 1 à 10.
Comment en est-on arrivé là ? Dans cette accusation dévastatrice, le cri du cœur d’un Anglais qui aime vraiment la France, mais est exaspéré par les Français, l’arrière plan de cette dépression de la société civile émerge graduellement. David Pryce-Jones a découvert l’explication dans les archives du ministère français des affaires étrangères, connu d’après son siège imposant, le Quai d’Orsay. Le corps diplomatique qui a dirigé cette institution comme un club privé – connu des initiés simplement comme ‘la carrière’ – est responsable non seulement du déclin du prestige de la France à l’étranger, mais aussi d’avoir créé les conditions de la catastrophe qui s’est produite dans le pays.
Comme tant de mauvais sorts, celui-ci a ses origines dans la mégalomanie du clan des Bonaparte. Depuis plus de deux siècles, depuis l’expédition de Napoléon en Egypte, la diplomatie française a été prise de la folie des grandeurs : l’idée de la France comme ‘une puissance musulmane’ * – phrase qui a un écho nouveau et sinistre aujourd’hui.
Des diplomates français, déterminés à dépasser leurs rivaux britanniques et allemands dans des stratégies politiques de grande puissance, étaient aussi convaincus que la France avait une mission civilisatrice spécifique dans le monde islamique. De même, leur orientalisme sentimental était entièrement compatible avec un antisémitisme institutionnel qui est documenté en détails choquants par Pryce-Jones. La montée de l’antisionisme a transformé cet antisémitisme d’un simple préjugé, peut-être odieux mais marginal en politique étrangère, en un miroir déformant qui a motivé et renforcé les jugements erronés et mortifères qui ont conduit la France à sa situation difficile actuelle.
Les Français avaient la prétention d’être la puissance protectrice de tous les catholiques du Moyen-Orient, et ils ont considéré le sionisme comme un concurrent. – associé de plus, à leurs yeux, d’abord avec les Allemands puis avec les intérêts britanniques. En réponse à ce qu’il voyait comme une exigence imprudente de Foyer National Juif, le Quai d’Orsay lança efficacement le « Mouvement Nationaliste Arabe » à la veille de la Première Guerre Mondiale.
Une partie de ce livre n’est pas aisée à lire pour des catholiques, car plusieurs des orientalistes les plus outrés qui ont contrôlé la stratégie politique française au siècle passé se sont avérés être des Tartuffe de la pire espèce.
Pryce-Jones consacre un chapitre au cas curieux de Louis Massignon, qui était le gourou arabisant du Quai d’Orsay à la fois avant et après la Seconde Guerre Mondiale.
La foi de Massignon était un tissu bizarre de catholicisme et de mysticisme islamique, et il termina sa vie comme prêtre melkite. Bien que marié, c’était l’attirance érotique homosexuelle pour les jeunes garçons arabes qui le tourna à l’évidence vers l’Est. Il aimait les affaires d’espionnage, alternant la robe et le turban d’un imam égyptien et l’habit d’un franciscain. Il aimait Lawrence d’Arabie – comme Pryce-Jones le note : « Ils étaient de la même espèce » – mais il aimait à corriger la grammaire arabe de l’Anglais.
L’influence de Massignon fut pareillement pernicieuse. Responsable de la propagande dans le monde arabe, il se consacra à construire un ‘bloc’ ou une ‘entente’ franco islamique et travailla dur pour saborder le projet sioniste. Sa conversation et ses écrits sont criblés de rage contre « l’ignominie des Juifs », et il eut même la témérité de dire à Martin Buber qu’Israël devait faire cesser les ‘spéculateurs atlantiques’ d’exploiter le pétrole arabe. Bien qu’il soit mort en 1963, Massignon a anticipé la plus grande part de la critique française contemporaine de l’alliance sioniste – anglo-saxonne.
D’autres intellectuels d’avant guerre ont joué un rôle aussi abominable dans cet épisode de la trahison du rationalisme français – ce que Julien Benda a appelé ‘la trahison de clercs’. Pryces-Jones met à part Paul Morand, Jean Giraudoux, et Paul Claudel : tous des écrivains, tous des officiels de haut rang du Quai d’Orsay, tous des antisémites virulents. Il est difficile de ne pas voir dans l’actuel Premier Ministre et homme de lettres, Dominique de Villepin, leur descendant spirituel, quand il décrit Israël comme ‘une parenthèse de l’histoire’.
La seule brève phase de rapprochement entre la France de l’après-guerre et Israël, au milieu des années 1950, a eu lieu en dépit du Quai d’Orsay, qui était tenu à l’écart sur la défense et la coopération nucléaire. L’opération de Suez fut condamnée en partie parce que le ministère devait être tenu en dehors de la confidence. Même le ministre des affaires étrangères de l’époque, Christian Pineau, devait demander à ses collègues : « Par-dessus tout, pas un mot au Quai d’Orsay ».
Sous le Général de Gaulle, la France revint à sa « politique musulmane » traditionnelle et imposa un embargo sur les armes à Israël. Après la guerre des Six Jours de 1967, de Gaulle imposa le ton des futurs hommes d’Etat français en qualifiant les Juifs de « Peuple d’élite, dominateur et sûr de lui » avec une ‘ambition brûlante de conquête’.
Il ignora Raymond Aron, qui prévint que de Gaulle avait ouvert une nouvelle ère dans … l’histoire antisémite’, et au lieu de cela, il fit écho au vieux slogan du Quai d’Orsay de la France ‘puissance musulmane’.
Ensuite, Israël se tourna vers l’Amérique, alors que la France encouragea imprudemment une succession de dirigeants musulmans qui s’avérèrent implacablement hostiles à l’Occident, de Khaddafi, à Saddam Hussein. Ce furent les Français qui transformèrent Yasser Arafat en un personnage sur la scène du monde, et qui tolérèrent ses terroristes en leur sein. Et ce furent les Français qui permirent à l’ayatollah Khomeiny de lancer sa révolution islamique depuis une banlieue de Paris.
Le cynisme, la corruption, et l’arrogance des quatre présidents après de Gaulle – Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac – ont renforcé la ‘déformation professionnelle’ * du Quai d’Orsay. Loin d’apporter un crédit d’influence dans le monde musulman, la ‘politique arabe’ a simplement importé les conflits du Moyen-Orient dans les rues de Paris.
Ce n’est que maintenant, quand le pays est aux prises avec un jihad islamiste, que Chirac a reconnu que l’antisémitisme – dont l’existence en France a longtemps été niée – est tellement grave qu’une « attaque contre un français juif est une attaque contre la France » . C’est le grand mérite de David Pryce-Jones d’avoir documenté le conflit entre cette affirmation des droits des français juifs à l’intérieur, et leur déni à l’étranger par la politique étrangère française. Que le public français prenne en considération cette accusation contre leur classe politique de la part d’un Anglais, c’est plus que douteux, mais ‘Betrayal’ ** devrait résonner pour ceux chez qui Zola n’est pas encore un footballeur, mais l’auteur de « J’accuse ».
* [en français dans le texte, Ndt]
** [‘Trahison’, à paraître, Ndt]
Adaptation française de Sentinelle 5767