Si la diplomatie iranienne prétend que son programme est à caractère civil, aux yeux de la communauté internationale, ce programme ne répond pas uniquement à un souci d’approvisionnement énergétique, mais à une marche vers la possession de l’arme nucléaire. Les inspections des agents de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ont en effet implicitement démontré l’existence d’un programme militaire clandestin. Le 21 février 2007, le Directeur général de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), Mohamed el-Baradei, a affirmé au sujet du programme nucléaire iranien que Téhéran avait six mois pour atteindre des « capacités industrielles » (militaires), selon l’agence iranienne IRNA. L’acquisition par la République islamique d’une arme nucléaire représenterait sans doute un bouleversement régional et global dont le risque ne doit pas être encouru.
Une bombe iranienne renforcerait en effet les éléments les plus radicaux en Iran, confortés par ce succès majeur, et ouvrirait la voie à un Moyen-Orient fortement nucléarisé et totalement imprévisible. L’Arabie saoudite, l’Egypte, la Turquie et d’autres pays de la région pourraient s’engouffrer dans la brèche et revoir leur engagement de ne pas acquérir l’arme nucléaire. La bombe iranienne remettrait aussi en cause la fragilité d’un cercle vertueux dans la région, mais encore probablement – après la sortie de la Corée du Nord du Traité de non-prolifération en 1993 – l’ensemble du régime de non-prolifération, qui ne résisterait pas à un assaut de cette envergure dans une partie du monde stratégiquement sensible().
En décembre 2006, les Etats membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) (2) ont annoncé, à l’issue de leur sommet annuel tenu en Arabie saoudite, qu’ils envisageaient un programme nucléaire civil commun. Un mois plus tard, en janvier 2007, c’était au tour du roi Abdallah II de Jordanie de déclarer dans un entretien accordée au quotidien israélien Ha’aretz que son pays se préparait à l’élaboration d’un « programme nucléaire civil ».
De son côté, le président yéménite Ali Abdallah Saleh a fortement appuyé la décision du Conseil de coopération du Golfe et souligné le souhait de son pays de se doter aussi de « l’énergie nucléaire à des fins civiles ». Des projets analogues sont également conçus par l’Egypte et ont été confirmés en novembre 2006 lors de la dernière visite du président égyptien Hosni Moubarak à Moscou.
La course au nucléaire, même civil, dans une région aussi instable que le Moyen-Orient peut être à l’origine d’une tragédie sans précédent. Face aux nouveaux défis d’un monde plus que jamais ébranlé par l’insécurité chronique, la communauté internationale est appelée à faire preuve de plus de responsabilité.
Notes
1) Thérèse Delpech, L’Iran, la bombe et la démission des nations, Autrement, Paris, 2006, p. 10.
2) Arabie saoudite, Koweït, Emirats arabes unis, Qatar, Bahreïn, Oman.