C’est ignorer enfin que toutes les élections présidentielles, depuis 1965, nous ont réservé leur lot de surprises : du ballottage du général de Gaulle à la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour, en passant par la défaite cuisante de Jacques Chaban-Delmas au profit de Valéry Giscard d’Estaing, ou des victoires inattendues de Jacques Chirac sur Raymond Barre en 1988 et sur Édouard Balladur en 1995, aucune élection ne s’est déroulée selon les prédictions des observateurs politiques les plus aguerris.
Est-ce à dire que François Bayrou créera la surprise lors de l’élection présidentielle de 2007 ? Il paraît difficile de le voir passer devant Ségolène Royal pour retrouver Nicolas Sarkozy au second tour, même si, dans le passé, un affrontement entre la droite et le centre-droit a déjà eu lieu (entre Alain Poher et Georges Pompidou en 1969). Mais il s’agissait là d’une autre époque, la famille socialiste étant alors totalement décomposée, tandis que Ségolène Royal devrait cette fois bénéficier du vote utile suite au traumatisme qu’a connu la gauche en 2002.
Néanmoins, il est fort vraisemblable que François Bayrou obtienne un score à deux chiffres et qu’il s’établisse en troisième position, aux alentours de 15% des suffrages exprimés, devançant de peu Jean-Marie Le Pen. À cela, trois raisons : la première est que la base structurelle de l’UDF est d’au moins 10% de l’électorat. En effet, la droite et le centre ont, lors des précédentes élections, totalisé au premier tour entre 35 et 40% des voix. Si Nicolas Sarkozy récolte 28% des voix – ce qui serait un score très solide, en comparaison de ceux obtenus par Jacques Chirac en 2002 et en 1995 – il reste donc entre 10 et 12 points «disponibles» pour François Bayrou. À ce socle quasi-incompressible pourraient s’ajouter les voix du centre-gauche, déçu par la candidature Royal qu’ils espéraient plus sociale-démocrate que socialo-marxiste, et sur lequel le candidat de l’UDF a grignoté plusieurs points ces dernières semaines. Enfin, contrairement à 2002, tout semble indiquer cette fois que les électeurs disperseront beaucoup moins leurs suffrages, ce qui devrait profiter au quatuor Sarkozy – Royal – Bayrou – Le Pen.
Or, même s’il ne faut jamais sous-estimer les ressources de ce dernier – ni l’exaspération profonde des Français –, son âge avancé et l’impasse du second tour de 2002 ne devraient pas jouer en sa faveur. Un espace politique existe donc pour François Bayrou qui a choisi la posture contestataire comme stratégie de campagne, mais qui reste plus fréquentable que le chef historique du Front National.
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