Dubaï après (2003) :

Nombreux sont ceux qui rejettent l’expérience de Dubaï pour des raisons idéologiques, comme si ces préoccupations pouvaient assurer la prospérité, donner à manger à celui qui a faim ou rassurer celui qui est inquiet. Pour savoir ce que vaut l’identité, il suffit de regarder l’Afghanistan des talibans, le Soudan d’Ahmed Tourabi, l’Egypte de Gamal Abdel Nasser ou l’Irak de Saddam Hussein. Le point commun de tous ces pays, c’est qu’on y a constamment invoqué l’identité pour masquer les échecs de tout ordre.
Dubaï a catégoriquement refusé toutes les idéologisations. Vous avez une idéologie ? Rentrez chez votre mère ! Vous avez des compétences, de l’expérience, des capitaux à investir ? Soyez le bienvenu ! Ainsi, Dubaï a attiré les richesses intellectuelles et matérielles du monde entier et les entrepreneurs y sont venus pour trouver la liberté d’entreprendre. Quant aux marchands d’idées et aux adeptes de grands discours, ils lui ont tourné le dos. Dubaï a compris les exigences de notre temps et a choisi de jouer le jeu de la mondialisation. Selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il faut dépasser les identités nationales parce qu’elles constituent des obstacles à la mondialisation. Les seules identités qui valent, ce sont les avantages comparatifs sur le marché mondial.
En Arabie Saoudite aussi, nous devrions prendre ce chemin et en finir avec nos spécificités pour nous consacrer plutôt à la recherche du progrès et de la prospérité. Nous avons bien fait l’expérience de ces Arabes qui sont à la source de nombre de nos problèmes. Ce sont eux qui nous incitent à nous inscrire dans une idéologie panarabe éculée et ce sont eux qui font que nous nous engluons dans les idées des Frères musulmans, qui ont idéologisé tous les aspects de la vie pour ériger entre le progrès et nous des barrières infranchissables.
Dans le cas de Dubaï, on ne sait même plus de quelle identité on pourrait parler puisque vous ne risquez pas d’y croiser des Arabes, ni d’entendre parler la langue arabe. On n’y trouve que des Indiens, des Pakistanais et autres Asiatiques [les étrangers y forment plus de 80 % de la population].
On dit que Rached Al-Maktoum, le premier dirigeant de l’émirat après son indépendance, en 1971, avait rencontré le secrétaire général de la Ligue arabe de l’époque, Abdul Khalek Hassouna. Celui-ci s’était étonné que Dubaï compte sur des travailleurs immigrés de l’Inde et du Pakistan pour fonder sa prospérité et avait suggéré de les remplacer par des Arabes afin de préserver l’identité de l’émirat. Al-Maktoum lui avait rétorqué : “Si je veux éviter les agissements révolutionnaires des idéologues panarabes, je dois avoir un policier pour chaque Arabe, alors qu’un policier suffit pour surveiller des centaines d’Asiatiques.”
Autrement dit, les Arabes coûtent cher en termes financiers, politiques et sécuritaires. Aujourd’hui, trente ans après, nous constatons que l’émir de Dubaï avait raison. Dubaï, au lieu de s’épuiser en polémiques stériles, a construit sa prospérité, et il faudra peut-être bientôt le compter parmi les Tigres asiatiques. Quant aux autres pays arabes, ils ont perdu leur temps à passer du panarabisme au panislamisme.
Il suffit de regarder les chiffres – et l’on sait que les statistiques ne mentent pas – pour voir que cet émirat attire les investissements du monde entier, que la pauvreté y est quasi inexistante [parmi les nationaux, pas parmi les travailleurs immigrés], que son taux de criminalité est parmi les plus bas au monde et que ses perspectives d’avenir sont radieuses.
Bref, Dubaï représente le miracle du progrès tel que les Arabes n’en ont pas vu depuis l’invasion napoléonienne de l’Egypte.
Saleh Al-Rached
Al Ittihad
À propos de Dubaï : http://dubai.metblogs.com/