L’écrivain français Alexandre Dumas père écrivit en 1854 que « rien ne réussit comme la réussite ». Mais quand il s’agit de l’Etat d’Israël, il semble que rien ne semble autant échouer dans les abysses que la victoire.
Alors que le monde note la survenue cette semaine du 40ème anniversaire de la Guerre des Six Jours, la plus grande part de la couverture et des commentaires sur le sujet semble se centrer sur le même thème : Comment le triomphe historique d’Israël est-il devenu une charge intolérable, en étant lui-même le premier « obstacle » à la paix.
Autrefois, la grande victoire de 1967, obtenue dans de grands périls et à un moment de l’histoire – quand la majorité du monde s’attendait à ce que Israël endure une défaite catastrophique – était emblématique de la fierté juive. Pourtant cet événement est maintenant de plus en plus perçu comme emblématique du malheur de l’Etat juif.
40 ANNEES « D’ … OPPRESSION »?
Après tout, notent les critiques, l’anniversaire n’est pas tant celui de batailles menées et gagnées dans de grands périls, mais de 40 années « d’oppression » des Arabes à Jérusalem, sur la Rive Occidentale et à Gaza, les territoires « conquis » en 1967.
Le prix exigé par la présence d’Israël dans les territoires est considéré comme responsable de la perte de l’âme du pays. Les implantations et les points de contrôle sont devenus des symboles profondément négatifs du pays. En diaspora, c’est l’infâme Israël de « l’occupation » qui est devenu le paria méprisé par les intellectuels et les universitaires, et de plus en plus rejeté par des Juifs qui ne sont enclins à s’identifier à un oppresseur.
Parmi ceux qui continuent d’être attachés à Israël, l’anniversaire de la guerre inspire de la nostalgie pour l’Etat qui existait avant l’unification de Jérusalem, et l’accès à des lieux où notre histoire a commencé de renverser la carte politique israélienne existante. C’était, comme M. J. Rosenberg de l’« Israel Policy forum » l’a écrit récemment, l’Israël du livre et du film « Exodus », un lieu affirme-t-il, qui pouvait être admiré sans apologie.
La guerre a mis en mouvement une série d’évènements qui ont conduit inévitablement non seulement à, des implantations, mais à mettre fin à la domination du Parti travailliste sur la politique israélienne, à placer dans le courant dominant des forces comme la droite nationaliste, les Juifs religieux et sépharades, qui avaient jusqu’alors été marginalisés par l’élite ashkénaze.
La droite israélienne a eu ses échecs, mais l’idée que le pays se trouvait mieux, dégagé de la direction du gouvernement à domination travailliste paternaliste de l’ère précédant la guerre, est plus un mythe qu’un fait. Le socialisme auquel cette élite gouvernante adhérait ne retardait pas seulement le progrès économique de la nation. Une époque où le gouvernement empêchait le développement de la télévision locale – pour ne citer qu’un exemple des excès de ce temps – n’est en rien digne de notre nostalgie.
Pourtant Rosenberg a raison de dire qu’un Israël plus puissant que l’Etat pionnier antérieur idéalisé « est difficile à vendre aux de moins de 50 ans, et en particulier aux jeunes Juifs à l’âge du collège ». Mais le problème est que ceux, comme Rosenberg, dont le projet principal est « de mettre fin au cauchemar de l’occupation », semblent oublier ce qu’était l’alternative au résultat réel de la Guerre des Six Jours.
C’est le point essentiel de la majorité des grincements de dents sur les 40 ans du pêché suivant 1967. Le point principal de dispute entre Israël et les Palestiniens, et leurs partisans, est le même que celui existant il y a 40 ans : l’existence d’un Etat juif disposant de frontières.
Quelle était alors l’alternative à la victoire et à « l’occupation » ?
La réponse est simple. Si Israël avait été vaincu, alors les menaces tant répétées d’extermination aussi bien de l’Etat que de son Peuple par les dirigeants arabes tels que le président Gamal Adbdel Nasser et le chef palestinien Ahmed Shoukeiry auraient fort bien pu être pleinement réalisées.
On nous dit, ad nauseam, que « l’occupation » est la raison du conflit persistant. Pourtant en 1967, la domination d’Israël était limitée aux frontières exactes dont on nous dit qu’elles sont les seules solutions au conflit. Le monde du 3 juin 1967 était celui dans lequel pas un seul Juif ne vivait en Judée et en Samarie, ni dans la partie Est de Jérusalem. Aucun juif ne priait au Mur Occidental, ou ne pouvait même visiter le moindre site historique ou religieux juif sur la Rive Occidentale.
L’anniversaire de la guerre devrait nous remettre en tête que le problème alors était largement le même que celui d’aujourd’hui.
LANGUIR D’UNE DEFAITE?
Toute l’introspection sur 1967 devrait nous conduire à nous demander pourquoi tant d’entre nous ici se sentent si mal à l’aise avec un Israël identifié avec la puissance plutôt qu’avec la faiblesse. L’Israël qu’un si grand nombre croyait destiné à une extinction imminente en mai 1967, était-il plus vertueux que l’Etat juif contemporain ? Non. « L’occupation » qui alimente la furie arabe et musulmane se rapporte à chaque pouce de ce pays. La victoire d’Israël n’a pas créé l’islamisme radical, ce n’est qu’une autre excuse pour une haine qui existait déjà.
A l’inverse, la joie dans laquelle le monde juif accueillit les évènements de juin 1967 ne provient pas seulement de la réunification avec des sites comme le Kotel, comme identification avec un Peuple juif fier, et brillant. Comme la création de l’Etat en 1948, la Guerre des Six Jours a changé la vie de chaque Juif. Depuis des siècles, l’identité juive était liée à l’absence de foyer et de pouvoir nationaux. Ces victoires ont permis aux Juifs de tenir leur tête plus haute non seulement ici aux Etats-Unis, mais aussi en Union Soviétique, où un mouvement pour l’émigration vers Israël a été lancé à sa suite.
L’Israël issu de cette guerre a eu sa part de fautes – bien que certaines de ces erreurs aient leur racine davantage dans une croyance naïve en la possibilité d’une paix que dans le triomphalisme. Mais ce que la guerre a démontré au monde, ça a été que le retour juif dans l’histoire représenté par le sionisme, ne pouvait être détruit après seulement 19 ans.
C’est un verdict que certains voudraient encore inverser. Pourtant, « l’occupation » sur laquelle tant se lamentent a été créée par l’agression arabe, et prend racine dans le droit inaliénable de Peuple juif à son propre pays plutôt que dans une variante aberrante d’impérialisme sioniste. Davantage de compromis territorial viendra quand les ennemis d’Israël abandonneront leur guerre pour le détruire. Malheureusement, comme les récents évènements l’ont encore prouvé, ce moment n’est nulle part en vue.
Jusqu’à sa survenue, les partisans d’Israël ici, qui consacrent tant de temps à s’excuser, feraient mieux de se consacrer à la tâche d’affirmer la justice du droit d’Israël à l’autodéfense. Le succès à la guerre a ses inconvénients, mais l’alternative en 1967, comme aujourd’hui, demeure impensable.
Adaptation française de Sentinelle 5767