4 juin 2023

Du bon usage de la fiscalité locale

Quand le thermomètre annonce la fièvre, il est tentant de casser le thermomètre, un peu comme le prince tyrannique qui faisait exécuter le messager porteur de mauvaises nouvelles. L’économie est le reflet de nos propres contradictions et c’est pourquoi les gens n’aiment guère l’économie. Mais l’économiste n’est que l’observateur de ces contradictions, il n’est que le messager : il n’invente pas les lois économiques, il tente seulement de les comprendre pour les expliquer à ceux qui sont tentés de les défier, de les contourner ou de les nier.

L’expérience montre que les subventions sont à manipuler avec modération. Finalement, elles sont comparables à une drogue : quand on y goute, on devient dépendant. Si on vous les enlève brutalement, on vous tue ; mais si on en consomme en permanence, c’est l’overdose assurée. Comme les subventions sont financées sur fonds publics, il convient de respecter les principes stricts qui régissent l’usage de l’argent public qui, il ne faut jamais l’oublier, a d’abord été de l’argent prélevé dans la poche des ménages. Malheureusement, dans un pays où l’exécutif ne parvient plus à endiguer la dérive des dépenses publiques, où l’attribution de subventions est le moyen d’étendre le clientélisme et l’emprise de la sphère étatique, il y a trop longtemps que ces règles sont transgressées.
La légitimité de l’impôt provient du fait qu’il permet de financer le bien public dont toute la collectivité profite. Si l’impôt est légitime, il est donc pour le moins curieux de tenter de le cacher pour le rendre « indolore ». De plus, la fiscalité nationale doit financer le bien public national tandis que la fiscalité locale se focalisera sur la fourniture du bien public local, dans un souci d’améliorer la gestion de l’argent public en rapprochant le bénéficiaire de la dépense publique du contribuable.
Si les principes sont clairs, le problème réside dans la définition même du bien public et dans l’évaluation de l’efficacité des dépenses publiques. En France, on privilégie une définition très extensive du bien public de sorte que la santé, la monnaie, la culture, la recherche, le bonheur et l’humanitaire seraient par nature des biens publics. Dans la réalité, tout dépend des moyens que l’on se donne et de la façon dont on les répartit. Vous pouvez échouer sur une île déserte et continuer à penser que manger est un droit, mais cela ne fera pas venir la nourriture dans votre bouche. Et plus on élargira la liste des biens publics, plus on étranglera le contribuable. Il faut donc faire des choix ! L’art de faire des choix, c’est précisément la définition de l’économie quand il s’agit de l’argent privé, et la définition de la politique quand il s’agit des fonds publics.

Si l’on admet par exemple que l’humanitaire est un bien public, cela n’induit pas que l’Etat ou les collectivités locales possèdent le monopole de l’action humanitaire. La fondation de Bill Gates a financé un programme de vaccinations de 55 millions d’enfants dans le monde. Dans cette perspective, l’utilisation de la fiscalité locale a des fins humanitaires, conformément au récent article L.1115-1 du CGCT, pose problème [1]. Et quand cet article est interprété par certaines communes pour étendre leurs actions aux victimes de conflits armés opposant des Etats étrangers, on frise le détournement d’argent public.
Il existe aujourd’hui des centaines d’O.N.G et de fondations internationales dont c’est précisément la mission. Chacun de nous est libre de faire des dons réguliers à « Médecins sans frontière » ou « Amnesty International » s’il veut soutenir une cause humanitaire. Le fisc tiendra compte de l’existence de cet « impôt volontaire » que vous vous infligez en connaissance de cause mais que vous pouvez à tout moment cesser de payer si vous ne partagez plus les buts de la fondation.

Mais les impôts locaux ne sont pas censés être utilisés dans ce but sinon c’est la porte ouverte à toutes les dérives dans la mesure où le contribuable ne peut pas cesser de payer l’impôt et qu’il est tellement plus facile d’être généreux avec l’argent des autres, surtout quand les autres n’ont pas voix au chapitre.

C’est d’ailleurs ce qui explique l’irrésistible envolée de la fiscalité locale en France.
 
[1] En vertu de l’article L.1115-1 du CGCT, « les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, dans le respect des engagements internationaux de la France, conclure des conventions avec des autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d’aide au développement. Ces conventions précisent l’objet des actions envisagées et le montant prévisionnel des engagements financiers…Si l’urgence le justifie, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre en œuvre ou financer des actions à caractère humanitaire ».


2009-05-05

 

La vague anticapitaliste

La crise économique est décidément un alibi commode pour ressortir les vieilles lunes anticapitalistes. Les médias nous parlaient déjà de la crise dans les années 70. A cette époque, le président Giscard D’Estaing entrevoyait le « bout du tunnel » tandis que la gauche se proposait de « changer la vie ». François Mitterrand a rassemblé la gauche pour conquérir le pouvoir en 1981. Mais durant les années 80, le refrain de la crise n’a jamais cessé ce qui a donné lieu à des alternances et des cohabitations. Sur fond de crise permanente, les français ont aussitôt chassé du pouvoir ceux qu’ils avaient élus avec enthousiasme. A chaque fois, c’est le même constat d’échec, c’est la même déception. A vouloir tout confier à l’Etat, on a peut-être poussé les hommes et femmes politiques en dehors de leur domaine de compétence. Peut-on changer l’économie ? En tout état de cause, on a moins de chance d’améliorer l’économie si on ne prend pas en compte son fonctionnement et ses ressorts et si l’on se refuse a fortiori à en comprendre les mécanismes profonds.

N’y a-t-il pas en effet un vice de forme à vouloir élire nos dirigeants sur des programmes et sur des objectifs économiques ? N’y a-t-il pas un problème de fond à faire des sondages d’opinion sur des programmes et des objectifs économiques ? La majorité des français aimeraient toucher un salaire sans avoir à travailler et la majorité des étudiants aimeraient obtenir un diplôme sans avoir à passer des examens. Est-ce pour autant raisonnable, réaliste et réalisable ? Tout le monde s’accorde à vilipender le libéralisme mais c’est pourtant à ceux qui ont l’intention d’intervenir dans l’économie qu’il revient de démontrer la justesse de leur raisonnement. C’est normalement celui qui accuse qui doit fournir la preuve.
La question n’est pas anodine car l’économie n’est seulement une question d’opinion ou de politique. Les lois de l’économie ne se décident dans aucun parlement et ne peuvent se plier sous le poids d’aucune majorité.

Pourtant l’anticapitalisme surfe sur cette méconnaissance arrogante de notre condition économique, elle-même profondément liée à l’insupportable condition humaine. La montée de l’anticapitalisme en France a de quoi laisser perplexe. C’est à croire que la gauche n’a jamais été au pouvoir. Si un projet anticapitaliste était possible, il existerait déjà car le capitalisme ne date pas d’aujourd’hui et son effondrement imminent est annoncé depuis que le capitalisme existe. Mais, tous les pays qui ont tenté une expérience anticapitaliste l’ont payé au prix fort. Aucun pays ne prospère sur les ruines de l’économie capitaliste. D’ailleurs, l’expression « économie capitaliste » est un pléonasme car le moteur de l’évolution économique est fondé sur l’accumulation du capital, ce qui est la définition technique du capitalisme.

Il faut donc être clair avec ses idées quand on mène un combat politique en cessant de mentir aux gens. Le discours anticapitaliste se nourrit chez nous de la haine viscérale qu’inspirent le libéralisme et toutes ses déclinaisons. Pourtant, quelle est cette alternative ? Que nous propose-t-on pour sortir de l’enfer capitaliste ? Pour le savoir, il faut remonter aux écrits de Marx car les idées ne sont pas nouvelles. Et tous ceux qui se réclament de l’anticapitalisme se réfèrent implicitement ou explicitement au marxisme. Pour sortir du capitalisme, il faut collectiviser les moyens de production, supprimer la propriété privée et sortir de la démocratie pour confier le pouvoir à un parti unique (animé par une pensée unique) qui mettra en œuvre une dictature – la dictature du prolétariat – seul instrument pour concrétiser le projet anticapitaliste. Tel est le projet anticapitaliste.


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posted by Caccomo @ 11:23 AM 

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