J'avais suggéré il y a près de deux ans (dans un article paru sur la site de la revue internationale en sciences sociales Esprit Critique) qu'il vaudrait mieux attirer des pays comme l'Iran et la Corée du Nord sur la scène des idées afin de les pousser à admettre que la discussion et le dialogue sont aussi pour eux des moyens de comparer la véracité de leur système. Ainsi lorsque le président iranien avait avancé qu'enseigner les sciences sociales en Iran était inutile car l'islam pourvoie à tout questionnement, il aurait été loisible de lui démontrer le contraire en l'invitant à en débattre sur une scène internationale devant les caméras du monde entier. D'ailleurs, ne s'était-il pas ridiculisé il y a quelques années lorsqu'il avait exposé dans l'enceinte d'une université américaine très acquise pourtant à la cause de l'anti-bushisme, que l'homosexualité n'existait pas en Iran ?… Il serait intéressant d'arriver à démontrer que l'islam pas plus que tout autre discours ne peut répondre à tous les problèmes qui se posent lorsqu'il est question de prospérité et de liberté, qu'il faut aussi des conditions de possibilité…que sa demande de nucléaire civil pourrait être recevable s'il démontrait sa volonté pacifique en permettant à la liberté de s'exprimer réellement en Iran, en commençant justement par permettre ce genre de confrontations intellectuelles… C'est en lui demandant qu'il libère réellement la société civile que l'on opérera réellement vers la paix au lieu de souder un peu plus le peuple iranien à ses dirigeants qui ont beau jeu de se cacher derrière les sentiments patriotiques d'affirmation de soi y compris militairement parlant.
De même, est-il judicieux d'aller parader à la frontière nord coréenne comme le fait Obama au lieu d'inviter la Corée du Nord à participer à des réunions avec ses voisins asiatiques pour coordonner leur développement réciproque ? Il ne s'agit pas évidemment d'être naïf, mais d'utiliser la tactique de la confrontation symbolique, de prendre au mot les discours idéologiques lorsqu'ils prétendent être en mesure de corréler prospérité et liberté ; il ne faut pas sous-estimer les immenses possibilités stratégiques et tactiques que procure l'ère médiatique mondialisée. Mais il ne s'agit pas seulement de discourir ; il faut aussi proposer sans cesse des actions de gouvernance pour à la fois permettre de sauver la paix et aussi la face de régimes qui au fond, vu les rapports de force, trouveraient ainsi le moyen de baisser la garde sans avoir le sentiment d'avoir perdu. Souvent, le fait qu'un enfant désigne du doigt que le roi est nu, ou qu'un individu se dresse devant un char, ou que des millions disent non dans la rue, pour voir souvent des pouvoirs chanceler.
En fait, rien n'a été vraiment tenté sur ce point de réel soft power. La preuve ? Pourquoi par exemple une telle approche ne serait pas également abordé dans le conflit israélo-palestinien ? Pourquoi n'est-il pas possible que soit organisé de la façon la plus solennelle des réunions sur ce qui s'est vraiment passé en 1947-48 ? Pourquoi les régimes nationalistes arabes, pourquoi lesdits "palestiniens" (les guillemets soulignent seulement que ces derniers refusaient cette appellation avant la guerre de 67…) ont-ils refusé le plan de partition alors qu'ils en étaient en position bien plus favorables qu'aujourd'hui ? Pourquoi ont-ils expulsé près d'un million de juifs ? Pourquoi ont-ils refusé par la suite l'application du plan d'Oslo alors qu'à l'époque en 1995 par exemple il était question de construire un aéroport international à Gaza ? Pourquoi ne dit-on pas que peu à peu les contrôles se seraient estompés au niveau maritime surtout s'ils avaient été pris en charge par la FINUL comme actuellement au Liban ? Jamais des dirigeants comme Olmert voire même Sharon n'avaient été aussi loin dans la recherche de la paix. Il aurait suffi comme le proposait Bill Clinton d'amorcer des échanges entre implantations et territoires pour voir peu à peu se pacifier la question posée en 48, 56, 67, tandis que celle des réfugiés de 48 aurait pu se solutionner comme l'avait suggéré le plan conjoint israélo-palestinien avant que les Qataris de la télévision Al-Djzeera ne dévoile le plan et le fasse saborder.
Lorsqu'un expert, Ed Husain, écrit une tribune dans le NYT (6 mars 2013) pour demander la fin du boycott d'Israël (alors que nombre d'intellectuels, occidentaux, exigent le contraire) n'est-ce pas parce qu'il souligne le caractère ubuesque d'une situation qui a vu des régimes autoritaires appauvrir leur peuple au nom du socialisme arabe et de l'islam et trouver comme boucs émissaires Israël et Occident ? N'était-ce pas par exemple la femme du président tunisien Ben Ali qui expliquait autrefois sur les ondes que le peuple tunisien devait se serrer la ceinture parce que beaucoup d'argent était envoyé en permanence au "peuple palestinien" alors qu'il prenait plutôt la direction de comptes occultes comme il a été prouvé par la suite ?…
Et que penser de l'immense fortune de l'ancien président égyptien? Et que penser des 100.000 syriens massacrés depuis deux ans alors que les mêmes qui poussent à la haine à la guerre contre Israël (par exemple Stéphane Hessel dans son opuscule"Indignez-vous" consacré essentiellement à la condamnation d'Israël lorsqu'il fut question de l'affrontement avec le Hamas) persistent à penser que les responsables de la situation seraient seulement occidentaux et israéliens ?…
Mais est-ce que cette façon de faire, cette diabolisation unilatérale a été au moins efficace pour résoudre la situation?…Non. Même le régime islamiste turc l'a compris puisqu'il a accepté avec beaucoup d'empressement les excuses du gouvernement israélien. Sans doute parce qu'il sait qu'à ses frontières se trament autre chose que "la" paix…
Ne laissons donc pas les faux redresseurs de torts, les faux promoteurs de la "paix" parler en son nom alors qu'ils font tout dans les faits pour l'empêcher d'émerger. Ce sont d'ailleurs les mêmes qui parlent au nom du peuple en Europe et font tout pour empêcher l'émergence réelle des conditions nécessaires pour la liberté et donc la prospérité du plus grand nombre. Et ils le font parce qu'ils verraient leur domination sur le peuple péricliter. Aussi vaut mieux-t-il pour eux de faire croire qu'ils sont indispensables alors qu'ils sont en réalité les principaux obstacles à l'émergence d'une mutation d'ensemble permettant d'apporter des solutions aux problèmes de l'heure.
Ce sont eux aussi qui se sont moqués de Bush, qui n'ont eu de cesse de vilipender le "néoconservatisme" et le "néo libéralisme" alors qu'ils sont au pouvoir depuis des années au niveau idéologique et depuis six ans avec Obama et sa réélection sans que pour autant la planète se porte mieux : bien au contraire.
C'est qu'il ne suffit pas de parler abstraitement de paix, d'envoyer des drones, des forces spéciales, bricoler quelques rafistolages ; il faut à la fois entamer une réelle confrontation idéologique, à la fois proposer des collaborations en matière de gouvernance afin de mettre tout un chacun au pied du mur, et à la fois ne pas être dupe lorsque les courants les plus fermés à l'ouverture et la paix tels que les wahhabites sont protégés par ceux-là mêmes qui n'ont de cesse en permanence de pourfendre les partisans d'Israël et de la liberté. Il y a là un mélange non dit d'hypocrisie et d'abandon qui loin d'aider à rendre le monde meilleur l'envenime…
Il est temps de tourner la page et de changer, totalement, (de façon "smart"…) les stratégies et tactiques.
3 réflexions sur « Le vrai “soft power”: le “smart power” »