Sous un ciel chargé de bois
Dont les verdeurs militaires
Couvraient l’étang de leurs bras,
Quelque chose me frappa
Qui fut cet éclat dans l’eau,
Comme un rayon de vraie foi
Forçant l’illusion du Beau.
Alors tu m’es apparue,
Comme une statue voilée,
Sur cette mare, les pieds nus,
Toujours aussi émouvante.
Et tu paraissais vivante
Sous ton moule de tissus,
Dans cette brume d’été,
Et pourtant ne l’étais plus…
France ? Soudain ai-je appelé.
Mais tu n’as pas répondu.
Ta silhouette drapée
Demeura comme interdite…
France ? Ainsi tu ressuscites ?
Mais ta voix tant désirée
Encore une fois s’est tue
Me laissant désemparé.
C’est alors que j’ai prié,
Pour te réchauffer un peu ;
Ou plutôt, je t’ai bercée,
Avec un ton dans la voix
Où perçait mon désarroi
D’oser encore vibrer,
Dans ce frêle matin bleu,
Pour une forme éthérée.
France, qu’est-il donc advenu
De tes arts, de ta pensée,
Des fleurs de pierre tendues
Au ciel de tes cathédrales,
Des cris de Jeanne, la vestale,
Dont la flamme fut aux nues
Un gage de sainteté
Pour ton royaume déchu ?
France, où sont cachées tes armes,
Où est passée la « furia »
Qui t’exaltait aux alarmes ?
Rien ne frémit sous ton voile,
Rien ne perce cette toile,
Qui conjurerait ce charme,
Qui nous armerait le bras,
Qui assécherait nos larmes…
Lors, j’ai retrouvé mon mal.
Comme Enée, en fuyant Troie,
Portait en lui son fanal,
Je devrai me satisfaire
Du souvenir de mes pères
Comme d’un chant infernal
Que nul n’entendra, sauf moi,
Dans mon île de cristal.
Georges Clément