LES FATWAS DES PHILOSOPHES
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En 1997, un livre intitulé Impostures intellectuelles remporte un énorme succès et déclenche une vive polémique sur la scène éditoriale française. Deux physiciens, Alain Sokal et Jean Bricmont, démontrent, grâce à de nombreux exemples (et avec beaucoup d'humour), comment des intellectuels (des philosophes pour la plupart) utilisent sans les connaître des concepts scientifiques empruntés à la physique, aux mathématiques ou bien à la chimie. Sous prétexte d'écrire des textes " postmodernes ", Lacan, Kristeva, Latour, Baudrillard, Deleuze parsèment leurs ouvrages de notions scientifiques obscurs qu'ils ignorent et qui rendent le texte totalement incompréhensible. En réalité, ils se moquent du lecteur et évitent ainsi toute critique lucide de leurs " narrations ". Mais si les deux physiciens ont révélé leur délire scientifique, Lucien Oulahbib, enseignant à Paris X, reprend méticuleusement les textes (de la plupart d'entre eux) et décortique le contenu idéologique. Ce " contenu " est pourtant difficile à saisir. On trouve tout ce qu'on veut dans cet hypermarché du dogmatisme : l'admiration pour les totalitarismes, la haine des Etats-Unis, de l'Occident, du capitalisme et de l'église, le soutien des dictateurs, le mépris pour la démocratie et pour la vérité historique ainsi que l'enthousiasme pour le mensonge et l'écriture illisible. Les textes sont hermétiques, sans queue ni tête, comme les divagations erratiques d'un homme malade. Ils visent la provocation gratuite, la confusion et obligent le lecteur à reprendre la lecture plusieurs fois. On se sent perdus, trahis par le bégaiement des pages. " Il est clair que, si Marx avait suivi ses rêves de jeunesse et écrit les plus beaux romans du monde, il eût enchanté le monde ", mais ne l'eût pas ébranlé, nous explique Maurice Blanchot. Et il continue : " Il faut donc écrire le Capital et non pas Guerre et Paix. Il ne faut pas peindre le meurtre de César, il faut être Brutus ". Pour Jean-François Lyotard, " Auschwitz n'est pas l'exclusivité du nazisme. Il est occidental, chrétien : le travail des Eglises du Nouveau Monde en Afrique, comme celui de Hegel sur le judaïsme, c'est la destruction de l'homme jugé non médié (sic) ". Cet Occident chrétien est, d'après Foucault, à l'origine de l'exclusion et de l'appareillage du contrôle social. Dans le Concept du 11 septembre, Derrida soutient que l'acte terroriste est un " concept " pas facile à expliquer. Il faut attendre la 37e page (sur 63) pour savoir s'il reproche quelque chose à Ben Laden (le nom est toujours mis entre guillemets) : " je me sers toujours de ce nom comme d'une synecdoque ". Ben Laden n'est qu'une " intensité du système du monde qui s'auto attaquerait ", le résultat d'une volonté supérieure que l'a engendré. Déjà dans Economie libidinale, lorsqu'un Algérien tue durant la guerre contre la France, il " tue son maître français " et il " se tue comme valet complaisant de ce maître ". Dans Moralités postmodernes, Lyotard présente le Saddam Hussein de la première guerre du Golfe comme " produit des chancelleries occidentales " et qui n'a donc pas de stratégie propre. Car Saddam s'approprie l'idée de l'Umma comme " altérité irréductible " à l'Occident posé comme " mode de vie complètement sécularisé ". Foucault est attiré par la révolution iranienne, seule capable de préserver le peuple des tentations de la culture occidentale. C'est aussi l'opinion de Jean Baudrillard pour lequel l'interdiction de la télévision et de la musique est la meilleure chose qui puisse arriver aux gens. La négation de notre monde est le mot d'ordre des Deleuze, Derrida, Foucault et Lyotard. Il faut tuer la vie, discréditer l'amour, rendre le monde inintelligible. Pour cela il faut détruire la propriété et l'individu. Et qui serait mieux placé que les Brigades Rouges ou la Fraction Armée Rouge ? " L'immensité de l'effort à accomplir, la nécessité de remettre en question toutes les valeurs auxquelles nous sommes attachés, d'en revenir à une nouvelle barbarie pour rompre avec la barbarie polie et camouflée qui nous sert de civilisation " (Blanchot). Ensuite, " la révolution bolchevique d'abord déplace le pôle qui semble désormais sous la maîtrise du parti. Puis la révolution communiste s'efforce, en restituant la maîtrise à la communauté sans différence, de situer le pôle dans le mouvement et l'indifférence de l'ensemble ". Pour Bataille, " Il est cruel de désirer l'extension d'un régime reposant sur une police secrète, le bâillonnement de la pensée et de nombreux camps de concentration. Mais il n'y aurait pas dans le monde de camps soviétiques si un immense mouvement de masses humaines n'avait pas répondu à une nécessité pressante ", tandis que Derrida avoue : " Si je me méfie du terme " liberté ", ce n'est pas que je souscrive à quelque déterminisme mécaniste. Mais ce mot me paraît souvent chargé de présupposés métaphysiques qui confèrent au sujet ou à la conscience – c'est-à-dire au sujet égologiques – une indépendance souveraine par rapport aux pulsions, au calcul, à l'économie, à la machine ". Rien à rajouter. bogdancalinescu@hotmail.com
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12 avril 2009
Une réflexion sur « Les fatwas des philosophes »